Par Béatrice Jérôme Publié le 20 février 2023
Voulue par Emmanuel Macron, la convention réunit environ 180 citoyens, dont 167 se sont exprimés par vote à bulletin secret dimanche. A 84 %, ils ont jugé que la loi actuelle n’était pas adaptée aux « différentes situations rencontrées ». Sur les modalités d’un nouveau droit et le profil des personnes concernées, les dissensus demeurent.
Le cap est fixé. Mais les chemins pour l’atteindre restent à tracer. La convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée, dimanche 19 février, en faveur d’une « ouverture » à une « aide active à mourir ». Autrement dit, pour une possible assistance médicale à abréger l’existence de malades qui le demanderaient. Sur les modalités et sur le profil des personnes qui auraient accès à ce droit, les dissensus demeurent.
Le week-end du 17 au 19 février a marqué « un tournant », insiste Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la convention citoyenne. Voulue par Emmanuel Macron, elle réunit depuis le 9 décembre 2022 180 citoyens tirés au sort. Ils doivent pour le 19 mars répondre à la question posée par la première ministre, Elisabeth Borne : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »
Dimanche, 167 membres de la convention ont participé aux votes dans l’hémicycle du Conseil économique, social et environnemental (CESE). A bulletin secret, ils ont répondu à onze questions. L’écrasante majorité (84 %) a d’emblée estimé que « le cadre d’accompagnement de la fin de vie ne répond pas à toutes les situations rencontrées ». Dans la foulée, 75 % ont voté pour l’ouverture d’une « aide active à mourir », soit 125 votants ; 32 ont voté contre, 10 se sont abstenus.
Des failles et des doutes
A une large majorité, les votants ont indiqué que l’« accès à l’aide active à mourir » devait être soumis à des « conditions », qu’il s’agisse d’un suicide assisté (72 %), ou d’une euthanasie (75 %). Sans que ces « conditions » soient explicitées à ce stade.
C’est ensuite que les votes ont montré des failles et des doutes. 72 % des votants (soit 121 citoyens) se sont prononcés pour l’ouverture au suicide assisté. Mais seulement 66 % ont indiqué qu’ils voulaient autoriser l’euthanasie. Même si l’écart est peu important, il reflète une crainte que l’euthanasie puisse être réalisée à la demande d’un malade dont le souhait de mourir serait ambivalent. Le suicide assisté, en obligeant une personne à accomplir elle-même le geste létal, ne laisserait, selon ses partisans, aucune place au doute sur la volonté de la personne de mettre fin à ses jours.
S’agissant des limites, 45 % des personnes interrogées estiment que le suicide assisté devrait être ouvert à des malades incurables mais sans « pronostic vital nécessairement engagé ». Ils sont 40 % à être de cet avis concernant l’euthanasie. A peine un quart des participants veulent que l’« aide active à mourir » soit uniquement envisageable pour les personnes en fin de vie. Toutefois, un très gros tiers des votants se sont abstenus sur cette question.
Aucune majorité claire ne s’est dégagée non plus sur la question de savoir si l’euthanasie pouvait être un droit ouvert « seulement à des personnes capables d’exprimer une volonté libre et éclairée ». Sur ce point, 37 % ont répondu oui, 35 % non et 28 % se sont abstenus. La question fait référence à une personne dans l’incapacité de s’exprimer (démence ou coma), mais qui aurait laissé des « directives anticipées » sur sa volonté ou non d’être maintenue en vie en cas de déchéance physique ou cognitive. Certains membres de la convention ont toutefois fait remarquer que la formulation de la question était trop ambiguë pour pouvoir y répondre.
« Eclairer la décision publique »
Enfin, 67 % des votants se sont prononcés pour « la possibilité » de l’euthanasie pour les mineurs malades qui la demanderaient. Et 56 % pour l’ouverture du suicide assisté également à des enfants ou adolescents. Sur ces deux votes, 21 % se sont, en revanche, abstenus. La question est parmi les plus sensibles. Quelques citoyens ont plaidé – en vain – pour qu’elle soit laissée de côté à ce stade, de peur qu’elle soit un obstacle à l’adhésion du reste de la société à l’avis de la convention.
Loin d’être un échec, « l’absence de consensus sur de nombreux points est le gage d’un travail en profondeur des conventionnels, soutient Claire Thoury. Sur un sujet aussi complexe, toute réponse apportée amène d’autres questions ». La présidente du comité de gouvernance de la convention citoyenne rappelle que ses organisateurs « se sont engagés à ce que tous les points de vue trouvent leur place dans l’avis final qui dira pourquoi les uns et les autres défendent telle ou telle position ». L’objectif étant, dit-elle, d’« éclairer la décision publique ».
La convention est regardée de près par l’exécutif. Tous les quinze jours, les conseillers de l’Elysée font un point avec les dirigeants du CESE, hôte et orchestrateur des travaux. Le 22 février, Emmanuel Macron devait recevoir partisans et opposants de l’aide active à mourir. Et parmi ces derniers, six représentants des cultes. L’idée étant de commencer à préparer le terrain à une possible reprise des propositions de la convention. Mais fixé trois jours après un vote qui s’apparente à un chiffon rouge pour les cultes, le moment n’a finalement pas été jugé opportun. Le dîner a été reporté sine die.
Voir la vidéo sur le site du C.E.S.E. ...
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