par Katia Dansoko Touré publié le 17 février 2023
Selon vous, qu’est-ce qui pousse les ados à s’adonner à des challenges aussi dangereux ?
L’adolescence est un moment charnière de la vie. L’ex-enfant et futur adulte découvre, à la fois, ce qu’il ne veut plus être et ce qu’il veut devenir. C’est un âge marqué par des bouleversements hormonaux, émotionnels, cognitifs, psychologiques, ou encore existentiels particulièrement importants. A l’adolescence, le cerveau humain, bouleversé par la puberté, va poursuivre son développement et son apprentissage par la recherche et la découverte du monde qui existe en dehors de la cellule familiale.
A cet âge, le cerveau a une appétence particulièrement forte pour la nouveauté, l’intensité et pour tout ce qui est stimulant. C’est aussi à cet âge que se structure ce que l’on appelle «la personnalité». Cette personnalité se met en place, avant tout «en relatif», c’est-à-dire en comparaison permanente avec ce que sont ou pas les autres ados, l’enfant que l’on était, ces personnes que sont nos parents, ou encore avec ces idéaux de beauté et de «réussite» que la société nous intime. Et c’est précisément parce que l’organisme mène cette nouvelle phase d’apprentissage en manquant d’expérience et de maturité que les comportements sont plus ou moins maladroits, excessifs, brutaux, impulsifs… Le tout avec une vision du danger erronée.
Peut-on dire que ces challenges sont apparus à cause des réseaux sociaux ?
Cette tendance aux «challenges dangereux» a probablement existé de tout temps et dans toutes les cultures de l’histoire de l’humanité. Celui, et je fais exprès de genrer au masculin, celui qui plongera du plus haut rocher, celui qui gagnera la course à cheval et se maintenant en voiture, celui qui consommera le plus de relations sexuelles, celui qui «tiendra» le plus l’alcool, etc. Ces rituels sont plus ou moins anecdotiques et passeront plus ou moins à la postérité mais les rites de passage de l’enfance à l’âge adulte portent bien souvent sur le fait de réussir à faire preuve de son courage, et en particulier chez les humains de sexe masculin qui sont les premiers pris dans les codes compétitifs et souvent violents que leur intime la culture patriarcale.
Il est aussi fort probable que notre culture capitaliste moderne et contemporaine qui idéalise la réussite individuelle, la compétition permanente avec les autres et avec soi-même, excite cette recherche d’expériences toujours plus intenses et donc potentiellement dangereuses. Et cela, en particulier pour les plus jeunes.
Selon vous, quels sont les meilleurs moyens de prévention ?
Le plus important est de discuter avec l’ado qui commencera immanquablement par banaliser ces comportements en disant par exemple que «ce n’est pas grave» que «c’est rigolo» et que «tu ne peux pas comprendre». L’enjeu de ces discussions, pour ne pas rompre le lien, est aussi de pouvoir prendre en compte l’intérêt qu’en retirent les ados s’adonnant à de telles expériences. Si le comportement de l’adolescent est excessif, dangereux pour sa santé, ou s’il s’accompagne d’autres comportements inquiétants qui pourraient être l’expression d’une souffrance psychologique plus globale, il est important de pouvoir l’accompagner vers un professionnel de santé.
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