par LIBERATION et AFP publié le 16 février 2023
Les députés espagnols ont doublement fait l’histoire ce jeudi. Ils ont définitivement voté une loi créant un «congé menstruel» pour les femmes souffrant de règles douloureuses, une mesure inédite en Europe. «C’est un jour historique pour les avancées féministes», a lancé sur Twitter la ministre de l’Egalité Irene Montero, membre de la formation de gauche radicale Podemos, alliée des socialistes au sein de l’exécutif. Adopté par 185 voix favorables, 154 contre et 3 abstentions, ce texte fait de l’Espagne le premier pays en Europe et l’un des rares dans le monde à intégrer cette mesure dans sa législation, à l’instar notamment du Japon, de l’Indonésie ou de la Zambie.
Avec cette loi, «l’arrêt de travail d’une femme en cas de règles incapacitantes» liées, par exemple, «à des pathologies comme l’endométriose» sera «reconnu comme une situation spéciale d’incapacité temporaire» de travail. «Il s’agit d’accorder à cette situation pathologique une régulation adaptée afin d’éliminer tout biais négatif» pour les femmes «dans le monde du travail», ajoute le texte. Néanmoins, aucune précision ne figure dans la loi sur la durée de cet arrêt maladie, qui devra être accordé par un médecin et sera financé par la Sécurité sociale.
Réticences
Ce «congé menstruel» ne plaît toutefois pas à tout le monde. Des réticences se sont fait sentir dans l’aile socialiste du gouvernement et cette loi a même été critiquée par le syndicat UGT. Cette centrale syndicale d’obédience socialiste, l’une des deux plus grandes du pays, s’est notamment inquiétée d’un possible frein à l’embauche des femmes de la part d’employeurs voulant éviter ces absences. Pour sa part, le Parti Populaire, principale formation de l’opposition de droite, a mis en garde contre un risque de «marginalisation» et de «stigmatisation», et contre les«conséquences négatives sur le marché du travail» pour les femmes.
Cette mesure fait partie d’un texte beaucoup plus large qui renforce notamment l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics. En effet, les hôpitaux publics pratiquent moins de 15 % des IVG dans le pays en raison notamment d’une objection de conscience massive des médecins. A cause de cette situation, et aussi de l’absence de clinique spécialisée à proximité harcelée par les anti-IVG, des femmes doivent parfois parcourir des centaines de kilomètres pour pouvoir avorter. Cette loi va également permettre aux mineures d’avorter sans l’autorisation de leurs parents à 16 et 17 ans en revenant sur une obligation instaurée en 2015 par un gouvernement conservateur.
En outre, les élus espagnols ont adopté une loi permettant de changer de genre via une simple déclaration administrative dès l’âge de 16 ans, à l’origine de vifs débats au sein même de la coalition de gauche au pouvoir. Le texte supprime l’obligation de fournir des rapports médicaux attestant d’une dysphorie de genre et des preuves d’un traitement hormonal suivi durant deux ans, comme c’était le cas jusqu’ici pour les personnes majeures. Cette loi prévoit également un renforcement de l’éducation sexuelle dans les écoles, ainsi que la distribution gratuite de moyens contraceptifs ou de produits d’hygiène menstruelle dans les lycées.
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