Texte Aurore Gorius
PhotoSébastien Calvet
Édité parLucile Sourdès-Cadiou
18 septembre 2019
L’affaire du Mediator, dont le procès s’ouvre lundi, met en lumière les liens d’intérêts entre médecins et géants pharmaceutiques.
Le décor semble tout droit sorti d’une scène de The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Mais c’est à un petit millier de kilomètres, de l’autre côté de l’Autriche, que le Dolder Grand Hotel exhibe ses tourelles pointues, au-dessus du lac de Zurich, avec vue imprenable sur les montagnes et les toits de la ville. Le majordome est disponible à la demande, la conciergerie et le spa sont ouverts 24 h/24. Les dirigeants des plus grands groupes pharmaceutiques ont commencé à s’y réunir à la fin des années 1970 – impossible de trouver l’année exacte ou bien fait-elle partie du mystère. Aujourd’hui, le Dolder Club, comme il s’est baptisé, se retrouve une à deux fois par an dans différentes villes du globe. Rien ne filtre de ses réunions. La liste des participants et les thèmes de discussion n’ont jamais été dévoilés. Il a fini par incarner à lui tout seul une industrie secrète et puissante, occupée principalement à défendre ses intérêts et à étendre son influence.
Des salons des grands hôtels à ceux de l’Élysée, le chemin n’est pas toujours long. Les PDG du « Dolder » y ont dîné, le 9 juillet 2018, à l’invitation d’Emmanuel Macron. Le lendemain, à l’issue du Conseil stratégique des industries de santé, le Premier ministre, Édouard Philippe, annonçait des mesures tout à leur avantage : une croissance minimum garantie des dépenses de médicaments (+0,5 % sur trois ans), la simplification des procédures administratives pour mener des essais cliniques, et des liens resserrés entre la recherche médicale publique et les industriels. Un rêve de patron exaucé par Matignon. Ces égards ne doivent rien au hasard. Les activités des « Big Pharma » représentent 5,5 % du PIB français et génèrent 100 000 emplois à l’échelle du pays. Sur le marché mondial, elles réalisent plus de 1 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, la moitié de l’industrie automobile. De quoi justifier, sans doute, que les politiques soient aux petits soins.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire