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mardi 30 juin 2020

A Paris, un campement de mineurs étrangers pour alerter l’Aide sociale à l’enfance

Entre 60 et 70 mineurs isolés étrangers, dont la minorité n’a pas encore été établie par un juge des enfants, se sont installés sous des tentes à Paris. L’opération vise à obtenir des conseils départementaux « le respect des droits fondamentaux de ces jeunes ».
Par  Publié le 30 juin 2020

Un campement abritant une centaine d’adolescents s’est installé dans le 11e arrondissement de Paris, square Jules Ferry, le 29 juin.
« Ceci n’est pas une colonie de vacances. » A l’entrée du square Jules-Ferry, dans le 11e arrondissement de Paris, des écriteaux ont été fixés aux rambardes. Ils invitent le passant à ne pas se méprendre. Les nombreuses tentes qui ont été installées ici dans la nuit du lundi 29 juin au mardi 30 juin n’ont rien d’une invitation au voyage. A l’intérieur, entre 60 et 70 mineurs isolés étrangers ont pris leurs quartiers. Epaulés par cinq associations, dont Médecins sans frontières (MSF), Utopia 56, le Comede (Comité pour la santé des exilés), ils veulent rendre visible leur situation.
Les tentes ont été montées à la nuit tombée, en quelques minutes à peine, et alignées sur deux rangées qui se font face. Quand un équipage de police se rend sur les lieux, le campement est déjà installé. « Il n’y aura pas d’évacuation ce soir », convient rapidement une fonctionnaire de la Préfecture de police alors qu’elle s’entretient avec Corinne Torre, chef de mission France à MSF. Pour cette dernière, l’opération vise à obtenir des conseils départementaux « le respect des droits fondamentaux de ces jeunes ».

Ce sont des garçons, âgés de 15, 16 ou 17 ans et ils viennent, pour la plupart, d’Afrique de l’Ouest. Leur situation devrait leur permettre d’être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, compétence des départements. Mais parce que leur minorité d’âge n’a pas été reconnue, ils se retrouvent à la rue. « Tous ont pourtant fait un recours devant le juge des enfants [pour faire reconnaître leur minorité], souligne Mme Torre. Il y a des gamins de Paris, des Hauts-de-Seine, des Yvelines… »

Plusieurs mois passés « à dormir dans le métro »

Boubacar est de ceux-là. Ce Guinéen de 16 ans est arrivé en France quelques jours avant le début du confinement. En attendant de pouvoir faire évaluer son âge, il a d’abord été hébergé dans un hôtel. Sa minorité n’a finalement pas été reconnue par le conseil départemental du Val-de-Marne. Il a beau avoir fait un recours devant le juge pour enfants et attendre d’être convoqué, il se retrouve à la rue depuis presque un mois.
« Je dors parfois [place de la] République, parfois [place de la] Nation. Ça dépend, dit-il. La journée, je marche dans les parcs, je regarde les gens qui jouent au ballon… Parfois je vais à [la station de métro] Couronnes parce qu’il y a une distribution de repas le midi. Le soir, il m’arrive de ne pas manger. »
Koureissi Mamary a 16 ans lui aussi. Originaire du Mali, il est en France depuis janvier et a fait également un recours devant le juge des enfants. Après une période de plusieurs mois passés « à dormir dans le métro » et « à changer d’endroit à chaque fois que la police nous chasse », il a finalement été pris en charge par MSF qui, depuis le 17 mars, lui payait une chambre d’hôtel.
« Pendant sept mois, nous avons logé à l’hôtel plus de 90 jeunes à Paris mais aussi 79 à Marseille, une dizaine à Montpellier, 45 à Bordeaux… », énumère Corinne Torre. « Nous, en 2019, avons pris en charge au moins 200 mineurs avec des hébergeurs citoyens ou des squats », ajoute Yann Manzi, cofondateur d’Utopia 56.

« Angoisse, tristesse et solitude »

Ces chiffres ne donnent qu’un aperçu très partiel de l’effort fourni par les associations et les collectifs auprès des jeunes migrants isolés. « L’opération que l’on mène permet de rendre visible ce qui est masqué par les réseaux de solidarité ou noyé dans la masse de ceux qui dorment dehors », souligne Mélanie Kerloc’h, responsable pour MSF des activités de santé mentale auprès de ces jeunes.
Elle mesure l’impact du « non-accueil » chez ces adolescents : « Cela les affecte psychologiquement, explique-t-elle. Tous les services réservés aux mineurs leur sont fermés car ils ne sont pas reconnus comme tels. Ils n’ont ni accès à la scolarité ni à un travail. Ils se retrouvent dans une situation d’attente qui peut durer de deux à dix-huit mois, à la rue ou dépendants de la charité qu’on veut bien leur donner. Il y a de l’angoisse, de la tristesse et une immense solitude. »
Salahou-Dine ne connaît « personne » en France. « Je suis le seul Béninois de tout le groupe présent ce soir », assure ce jeune de 17 ans, arrivé en France en septembre 2019, après être passé par l’Italie, la Libye et le Niger. Pendant des mois, il a vécu à la rue, échouant tantôt porte de La Chapelle, tantôt porte d’Aubervilliers ou encore porte de La Villette.
De cette errance aux confins de la capitale, en bordure du périphérique, il a gardé un souvenir douloureux. « J’ai peur de retourner dormir dehors », confie Salahou-Dine, qui a pu être logé dans une chambre d’hôtel par MSF depuis le mois de janvier. « Je ne suis pas tranquille, poursuit-il. En venant ici ce soir, j’ai peur de la police, j’ai peur du virus aussi. » Salahou-Dine a été testé positif au SARS-CoV-2 pendant la période de confinement mais il craint une rechute. La semaine prochaine, il devrait commencer à suivre des cours de soutien scolaire dispensés par l’association Droit à l’école. Mais il prévient : « Si je ne peux pas me doucher, je ne sais pas si je pourrais y aller. »

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