Les représentants syndicaux des médecins hospitaliers n’avaient pas de mots assez forts, lundi, pour dire leur déception après les propositions de revalorisation salariale faites par le ministre de la santé, Olivier Véran.
Une « douche glacée », une « claque »… Les représentants syndicaux des médecins hospitaliers n’avaient pas de mots assez forts, lundi 29 juin, en fin d’après-midi, pour dire leur déception et leur colère après les propositions de revalorisation salariale faites un peu plus tôt par le ministre de la santé, Olivier Véran, dans le cadre du Ségur de la Santé.
Ce mouvement d’humeur intervient alors qu’une nouvelle journée d’action nationale est organisée par la plupart des syndicats et collectifs hospitaliers, mardi 30 juin, quatre jours avant la fin du « Ségur », désormais annoncée pour vendredi.
Après avoir proposé, la semaine dernière, 6 milliards d’euros pour revaloriser les salaires des infirmiers, des aides-soignants et des personnels techniques et administratifs, le gouvernement a proposé, lundi, une enveloppe de 300 millions d’euros à destination des quelque 100 000 personnels médicaux hospitaliers.
Les représentants syndicaux, qui avaient formulé un plan à 6 milliards ou 7 milliards d’euros, ne s’attendaient pas à une proposition en dessous de 1 milliard. En écoutant le ministre lundi après-midi, ils assurent être tombés de haut. « C’est totalement consternant : ce qui nous est proposé est totalement insuffisant, ce n’est pas avec ce genre de mesurettes qu’on va refonder l’hôpital public », assure Jacques Trevidic, le président d’Action praticien hôpital (APH).
« On est sur du saupoudrage »
Dans un communiqué, publié lundi soir, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARE) dénonce la « trahison du Ségur de la santé » et rappelle que, pour un médecin hospitalier, « il ne se passe pas une semaine [sans apprendre] le départ d’un ou de plusieurs collègues de son établissement ». Le SNPHARE met en avant le phénomène de « fuite pure et simple de l’hôpital public vers une herbe plus verte ailleurs : meilleures conditions de travail, mieux définies, moindre pénibilité de la permanence des soins, meilleures rémunérations, gouvernance plus souple et horizontale, reconnaissance ».
Alors que près d’un quart des postes de praticiens hospitaliers n’est pas pourvu par des titulaires, faute de candidat, le plan d’Olivier Véran comprend plusieurs mécanismes pour renforcer l’attractivité.
L’indemnité d’engagement de service public pour les médecins ne faisant pas d’activité privée à l’hôpital est par exemple augmentée de 20 %. Pour les praticiens ayant plus de quinze ans d’ancienneté, l’indemnité passerait ainsi de 700 à 900 euros brut, soit 200 euros brut en plus (environ 115 euros net). Les syndicats, eux, demandaient 1 000 euros net pour tous. Autre mesure sur la table : une revalorisation de 20 % du montant des gardes de week-end et de jour férié. « Cela devrait représenter 30 euros de plus sur une garde, qui passera à environ 200 euros brut », calcule Jean-François Cibien, vice-président d’APH et président d’Avenir hospitalier. Rappelant que certains médecins intérimaires peuvent gagner de 2 000 à 2 500 euros en effectuant des gardes de vingt-quatre heures, le médecin estime que la faiblesse des revalorisations proposées « va “acutiser” [faire passer d’un état chronique à un état aigu] le départ des médecins hospitaliers. Après l’été, les gens partiront faire de l’intérim… »
Le temps de travail additionnel (les heures supplémentaires) serait lui aussi revalorisé. Une prime territoriale renforcée serait accordée aux praticiens faisant des remplacements dans un même groupement hospitalier. « On est sur du saupoudrage », regrette Jean-François Cibien. Selon les représentants syndicaux, certaines mesures présentées lundi, comme la suppression des premiers échelons de praticien hospitalier, étaient par ailleurs déjà actées et attendaient leur mise en œuvre.
« On est naïf d’y avoir cru »
Des propositions ont également été faites aux internes, les médecins en formation, avec une revalorisation de 10 % des émoluments de ceux de première et de deuxième années et de 5 % pour les suivantes, à partir de début 2021. Les indemnités forfaitaires pour les gardes de week-end devraient également être augmentées.
Des mesures là aussi jugées insuffisantes. « Notre déception est à la hauteur des espoirs suscités par le Ségur », assure Julien Breysse, le président de l’Intersyndicale nationale des internes, pour qui « continuer à payer 1 500 euros brut les médecins à l’hôpital en France est invraisemblable ».
Pour Rachel Bocher, la présidente de l’intersyndicat national des praticiens hospitaliers, c’est le principe même du processus en cours qui est en cause. « Ce n’est pas nous qui avons demandé le Ségur, souligne-t-elle. Depuis quatre semaines, le ministère et l’équipe du Ségur ont fait monter les attentes et les impatiences. On est naïfs d’y avoir cru… Et au-delà de la déception, je ne vois pas comment on peut arriver à un accord en fin de semaine, la marche est trop haute », dit-elle, alors qu’une dernière rencontre avec les représentants du ministre est prévue jeudi matin, à la veille de la clôture du Ségur.
Après avoir promis, le 25 mars, depuis Mulhouse (Haut-Rhin) « un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » à l’hôpital, le président de la République pourrait lui-même annoncer la semaine prochaine les principales mesures du Ségur de la Santé.
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