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Seulement un quart des Allemandes auraient recours à la péridurale. Photo Getty Images
Au menu cette semaine de la chronique «Miroir d'outre-Rhin», une réflexion sur l’accouchement en Allemagne, beaucoup moins médicalisé qu’en France. Mais cette obsession du «naturel» a ses inconvénients : les femmes sont enjointes à concevoir la naissance comme une performance, au risque de devoir taire ce qu’elles ressentent.
«C'est possible d'avoir une péridurale en Allemagne. Mais, il faut beaucoup insister.» «Ma compagne a demandé une péridurale, à Berlin, qu'elle n'a jamais eue.» De nombreux récits d'accouchement en Allemagne évoquent le sujet de la péridurale, rare outre-Rhin, très fréquente en France. Un quart des Allemandes y auraient recours, en partant du principe que donner la vie, c'est mieux «au naturel».
Quitte à se montrer particulièrement culpabilisant : dans ce reportage de RFI, une sage-femme franco-allemande évoque l'une de ses collègues disant à ses patientes, lors de la préparation à l'accouchement, qu'opter pour la péridurale, c'est un peu abandonner son bébé, parce que lui souffre, tandis que la future accouchée ne souffre plus.
Signe de faiblesse
Alors que pour les Françaises, la péridurale peut être vue comme une avancée médicale voire féministe, en Allemagne, c'est un peu le signe d'une faiblesse. Un épisode de l'émission d'Arte Karambolage décrit bien cette différence culturelle. «L’idée que la réussite de ton accouchement repose entièrement sur toi grandit dans ton ventre en même temps que ton bébé», raconte la journaliste. Tu enfanteras dans la douleur, et tu t'efforceras de ne rien en montrer, histoire de «réussir ton accouchement» (douteuse obsession, n’est-ce pas ?) «Décidément, ces Allemandes, ce sont des vraies superwomen, et les Françaises, de belles chochottes», ironise la journaliste d'Arte.
Cette idée se ressent jusque dans le vocabulaire. En allemand, la salle d'accouchement est appelée Kreißsaal, du moyen haut-allemand krizen qui veut dire gémir, crier. Réjouissant programme, qui peut donner l'impression qu'accoucher en Allemagne, c'est un aller simple pour l'an de grâce 1092, où l'accouchement se ferait parmi les bleuets dans le Brandebourg, avec une tisane d'orties pour stimuler les contractions.
De la même façon, les césariennes sont mal vues dans cette partie-ci de l'Europe : selon un sondage réalisé en Allemagne, Autriche, Suisse et Pays-Bas, 70% des femmes interrogées estiment qu'un accouchement par césarienne n'est pas un «vrai» accouchement. Surtout, celles qui y ont recours disent subir de nombreux reproches.
Période post-partum mieux prise en compte
Mais il ne s'agit pas non plus de faire de l'Allemagne un pays insensible à la condition des femmes qui accouchent. La période post-partum y est par exemple beaucoup plus prise en compte qu'en France. Un service très apprécié par les parturientes est celui du Wochenbettbetreuung, les soins d’après naissance : une sage-femme rend visite chaque jour à l’accouchée, afin de prodiguer des conseils sur la prise en charge du bébé. Et puis, la création des maisons de naissance, deux fois plus nombreuses qu'en France, répond au besoin des femmes de reprendre le contrôle sur leur corps, leurs entrailles. En outre, en France, la surmédicalisation des accouchements est critiquée par les féministes. Est-il bien raisonnable de produire des bébés à la chaîne sans prendre en compte les besoins des femmes, à qui des césariennes seraient imposées sans motif médical valable, juste pour faire du chiffre ?
Existe-t-il seulement un point commun entre la France et l'Allemagne ? Oui. A Berlin comme à Paris, qu'elles réclament une péridurale ou souhaitent accoucher de manière «naturelle», les femmes ne sont pas assez écoutées.
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