Venue des Etats-Unis, l’expression “rape culture” se banalise en France. Problème : cette expression utilisée à tort et à travers sert maintenant à légitimer des discours en parfaite contradiction avec le message initial que ces mots portaient.
Lorsqu’elle est née à la fin des années 2000, l’expression «culture du viol» avait une raison d’être. Il s’agissait de désigner, sous une forme synthétique, les différentes causes de l’injustice sexuelle. A la question «Pourquoi, dans certaines société, la majorité des agressions sexuelles sont-elles commises par des hommes sur des femmes ?», répondre en trois mots, c’était pratique. Pour ceux et celles qui disaient «culture du viol» l’expression avait un sens précis. Dans l’ouvrage Corps Accord, rédigé par les féministes, elle était ainsi définie : «ensemble de comportements qui banalisent ou qui encouragent les agressions sexuelles : on rend la victime responsable de l’agression (tenue vestimentaire, consommation d’alcool), on met en doute sa parole, on encourage les jeunes garçons à insister pour avoir des relations sexuelles et on juge négativement les femmes qui en ont (slut-shaming)».
Etre séductrice «sans passer pour une salope»
La culture du viol, pour donner un exemple précis, c’était le discours de la presse féminine, incitant la lectrice à «être attirante» mais «sans passer pour une allumeuse». La culture du viol, c’était ces juges reprochant aux victimes leurs tenues ou leurs dessous «affriolants». La culture du viol, c’était aussi ces mises en garde : «Si tu couches le premier soir, il te prendra pour une fille facile», «Si tu mets une jupe trop courte, il te traitera comme une pute», «Refuse-toi si tu veux être respectée». La culture du viol, pour résumer, c’était d’interdire aux femmes la libre disposition de leur corps, en les prenant au piège d’injonctions contradictoires –«être sexy mais pas salope», «s’amuser mais pas avec n’importe qui», «charmer sans aguicher»– toutes chargées du même message : le sexe est dégradant pour une femme. Si elle s’adonne au sexe, il est donc juste qu’elle soit punie, c’est-à-dire avilie.
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