Malgré l’importance des services sociaux en France, et l’intérêt accordé aux migrants et demandeurs d’asile (bénéficiant de protections spéciales quand ils proviennent de régions du monde touchées par des conflits bafouant les Droits de l’Homme), de nombreux enfants et leurs familles vivent encore sans abri en région parisienne.
European Psychiatry présente les principaux résultats de l’enquête ENFAMS (acronyme pour ENfants et FAMilles Sans logement) réalisée au premier semestre 2013 sous l’égide du SAMUsocial de Paris[1]. Les enfants grandissant dans des familles sans domicile fixe étant « plus susceptibles de connaître des problèmes de santé et psychologiques », l’objectif des auteurs était de cerner « les caractéristiques sociales, environnementales, individuelles et familiales associées aux difficultés émotionnelles et comportementales chez les enfants sans-abri vivant en région parisienne. »
Réalisée lors d’entretiens face à face par des psychologues et des enquêteurs bilingues, sur un échantillon représentatif de familles sans-abri comportant 343 enfants âgés de 4 à 13 ans, cette étude révèle notamment la mobilité résidentielle (euphémisme !), la (médiocre) santé physique et mentale des membres des familles SDF, et « les troubles émotionnels et comportementaux des enfants » rapportés par les mères, en utilisant le protocole d’enquête sur les points forts et les points faibles, Strength and Difficulties Questionnaire, SDQ[2]. Ce questionnaire bref SDQ sur les forces et les difficultés permet de dépister des troubles du comportement chez les enfants de 3 à 16 ans, dans un ensemble de 25 items couvrant « cinq registres d’attributs psychologiques » : les troubles émotionnels, les problèmes de conduites, les troubles déficitaires de l’attention ou/et l’hyperactivité, les difficultés de relations aux pairs, et au contraire la facilité des interactions sociales (prosocial behaviour).
Davantage de difficultés émotionnelles et psychosociales évidemment
Les enfants ont été interrogés « sur la perception de leurs conditions de vie, leurs amitiés et leurs expériences scolaires. » Sans surprise, cette étude confirme que les scores obtenus au SDQ sont significativement « plus élevés chez les enfants des familles SDF, comparativement aux enfants de la population française en général » (scores totaux moyens de 11,3 versus 8,9 ; p < 0,001). Des analyses multivariées permettent d’associer certaines difficultés des enfants aux régions de naissance de leurs parents (Afrique sub-saharienne, Europe de l’est...), au risque de suicide maternel, aux habitudes de sommeil des enfants, à leur « aversion pour le mode d’hébergement de la famille » et à leur vécu en matière d’intimidation ou de harcèlement (bullying).
Illustrant l’intérêt d’une prise en charge médico-sociale « appropriée dans cette population vulnérable », l’enquête ENFAMS souligne l’importance des difficultés psychologiques pouvant « mettre les enfants des personnes sans-abri en danger », en termes de santé mentale et de résultats scolaires, et instaurer ainsi un cercle vicieux dans la pérennité transgénérationnelle des difficultés socio-économiques et psychosociales.
Dr Alain Cohen
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