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vendredi 3 juillet 2015

Si " Le Généraliste " était paru en juin 1903 L’internat interdit aux femmes

03.07.2015

" Une femme peut-elle être interne des asiles de la Seine ? Non, puisqu'en 1902, Mlle Pelletier, étudiante en médecine, se vit opposer un article du réglement en vertu duquel les candidats doivent jouir de leurs droits politiques. Mlle Pelletier a protesté car il est douloureux de se voir écartée contre l'intention du législateur. Aussi a-t-elle rédigé une pétition très nette qui a circulé dans le monde médical et que voici :

" a) Considérant que les sanctions obtenues devant la Faculté de Médecine sont rendues accessibles aux candidats des deux sexes ; b) considérant que les garanties exigibles des internes en médecine des asiles publics d'aliénés de la Seine doivent reposer exclusivement sur la capacité et la valeur professionnelle du candidat et non sur son sexe ; c) considérant qu'une partie de l'article 3 du réglement des concours de l'internat en médecine des asiles publics de la Seine est ainsi conçue : " les candidats, pour être inscrits au concours, devront jouir de leurs droits civils et politiques " et que cette rédaction n'a pu viser que l'indignité des actes délictueux commis par les candidats et non atteindre, par une interprétation détournée, le sexe du candidat ; attendu, cependant, que, récemment, cette dernière inteprétation n'a pu être donnée pour justifier l'exclusion d'une candidate, contre laquelle aucune objection n'avait été faite jusqu'à la veille du concours, le Conseil Général arrête la rédaction suivante qui sera l'objet d'un article additionnel : art. 5 (bis) - le concours est ouverts aux candidats médecins sans distinction de sexe. "


Un grand nombre de médecins, et MM. Dausset et Auffray, se sont occupés de l'affaire. M. Defrance, directeur du personnel, étant avec eux, tout permet d'espérer que Mlle Pelletier aura satisfaction... l'année prochaine si elle est encore candidate.

A cette occasion "Le Temps " a pris la plume. Il écrit :

"Il y a quelques jours, une étudiante en médecine, Mlle Pelletier se présentait au concours de l'internat pour les asiles publics d'aliénes de la Seine. Elle était la première de son sexe à aborder cette épreuve. Elle lui fut refusée en vertu d'un article du réglement qui exige que les candidats jouissent de leurs droits civils et politiques. Tout le monde a cette clause de forme - pareille à celle qui vise les prescriptions de la loi sur le recrutement de l'armée - qui a pour objet d'exclure soit les étrangers, soit les Français qui ont perdu, par une condamnation, les droits en question. L'administration ne le comprit pas ainsi. Pour une fois, elle voulut se montrer capable d'ironie et elle répondit à la postulante : " Vos droits civils, vous les avez, depuis qu'une loi, contestable d'ailleurs, a admis les femmes en témoignage. Mais vos droits politiques ? Votez-vous ? Oui ou non ? Non ? Alors, que voulez-vous ? Vous ne pouvez pas concourir. Vous ne concourrez pas." On lui eût aussi bien demandé, à la jeune étudiante, si elle avait fait son service militaire ou si elle était officier de réserve. Quand les bureaux s'amusent, c'est de bon cœur. Or il s'amusaient, comme des rois, à "pousser des colles " à Mlle Pelletier et à lui poser des questions dont l'absurdité même excluait la réponse. Ils maintinrent donc leur veto impératif et saugrenu et lui fermèrent l'accès du concours ! "

Il est vraiment étonnant de voir où mènent... les mauvaises plaisanteries de nos Administrations. Ce qu'il y a de curieux à enregistrer, en tout cas, c'est l'état d'âme de M. Defrance. Dans son bureau, où il est extraordinaire, ce parfait bureaucrate est contre les femmes internes ; mais, dans la rue, où il est très intelligent, il est pour l'internat des femmes.
Et dire que tous nos fonctionnaires en sont là ! Rien que pour cela, il faudrait refaire la Révolution si nous étions des Républicains ! Mais nous ne sommes que des hommes de lettres n'ayant pas toujours de l'esprit !

(La Gazette médicale de Paris, 1903)

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