En matière de benzodiazépines, les avis de la HAS se suivent et ne se ressemblent pas ! Alors que l’an dernier à la même époque, l’agence avait revu à la baisse l’intérêt thérapeutique (et donc le taux de remboursement) des benzodiazépines hypnotiques, les benzodiazépines utilisées à visée anxiolytique viennent de bénéficier d’un verdict plus clément. Mais en parallèle, l’ANSM pourrait bientôt réglementer les prescriptions en imposant notamment l’utilisation d’ordonnances sécurisées, comme l'indique l’Académie de médecine dans un communiqué.
Un intérêt thérapeutique "important" à court terme
Après réévaluation de l’ensemble de la classe des benzodiazépines à visée anxiolytique, la Commission de la Transparence de la HAS publie ce lundi un nouvel avis qui réattribue un SMR* important à ces produits avec un rapport efficacité/effets indésirables jugé « important à court terme » (en deçà de 8 à 12 semaines) pour le traitement des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes. Cet avis « est une recommandation au maintien du taux de remboursement à 65 % » précise la HAS.
11 molécules sont concernées : l’alprazolam (XANAX), le bromazépam (LEXOMIL), le clobazam (URBANYL), le clorazépate (TRANXENE), le clotiazépam (VERATRAN), le diazépam (VALIUM), le loflazépate (VICTAN), lorazépam (TEMESTA), le nordazépam (NORDAZ), l’oxazépam (SERESTA), et enfin le prazépam (LYSANXIA) ainsi que leurs génériques.
Pour conclure à ce statu quo, la commission de la transparence a passé en revue l’ensemble des données d’efficacité et de tolérance publiées jusque fin 2014, tout en prenant en compte le retentissement important des troubles anxieux sur la qualité de vie et le quotidien des patients ainsi que le risque de chronicisation.
« De façon générale, les benzodiazépines anxiolytiques sont efficaces à court terme (8 à 12 semaines) mais leurs effets indésirables (troubles de la vigilance, chutes, troubles de la mémoire…) et le risque de dépendance qu’elles induisent doivent conduire à inscrire leur prescription dans une stratégie à court terme, soit dans un contexte de crise aiguë d’angoisse, soit en seconde intention dans les troubles anxieux ou les troubles de l’adaptation, résume la HAS. Il est donc important que dès l’instauration d’un traitement par benzodiazépines dans la prise en charge de l’anxiété (comme dans celle de l’insomnie), le médecin puisse impliquer le patient dans une démarche d’arrêt de ce traitement ».
Une fiche mémo pour aider au sevrage
Selon une analyse de l’Inserm, la France se situe en 2e position derrière le Portugal pour l’utilisation des anxiolytiques en Europe. Et en 2014, environ 7 millions de personnes auraient consommé des benzodiazépines anxiolytiques en France dont 16 % en traitement chronique (plusieurs années).
Dans ce contexte, la HAS accompagne son avis d’une fiche mémo dédiée aux modalités d’arrêt des benzodiazépines en population générale. Destiné aux médecins traitants, ce document recommande « d’évaluer la dépendance au traitement du patient et son degré d’attachement à ces produits pour décider avec lui d’une stratégie adaptée à sa situation ». Cette discussion pourra avoir lieu « au cours d’une consultation dédiée et déboucher - avec l’accord du patient – sur un protocole pluri professionnel de sevrage des benzodiazépinespouvant associer médecin, pharmacien, infirmier et entourage ». Pour les patients habitués à de très fortes doses de benzodiazépines, ou en cas de dépendance à l’alcool ou de troubles psychiatriques sévères associés, « une prise en charge spécialisée est nécessaire ».
Bientôt des prescriptions sur ordonnance sécurisées?
Face au problème de surconsommation et de mésusage des benzodiazépines pointé depuis plusieurs années en France, la HAS a donc choisi la méthode douce en préférant miser sur la pédagogie plutôt qu’en jouant la carte du moindre remboursement.
L’ANSM pourrait par contre être plus incisive, des mesures d’ordre réglementaire plus contraignantes (obligation de prescription des benzodiazépines sur ordonnance sécurisée, diminution des conditionnements, limitation des prescription à un mois...) étant actuellement en discussion au sein de l’agence du médicament.
Ces mesures auraient été promues dès avril 2015 indique dans un communiqué récent l’Académie de médecine qui regrette "le message volontiers négatif délivré sur les benzodiazépines, mettant en avant les effets indésirables". Même si l’ANSM souligne que rien n'est encore définitivement décidé pour le moment, les benzodiazépines n’ont donc pas fini de faire parler d’elles...
*Service médical rendu
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