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vendredi 3 juillet 2015

Demandeurs d’asile : le sinistre constat du Centre Primo Levi qui fête ses 20 ans

03.07.2015

« La torture est encore pratiquée dans la moitié des pays du globe ». Ce sinistre constat rappelé par Sibel Agrali, psychologue et directrice du volet « soins » du Centre Primo Levi, se heurte frontalement à un autre : le taux de plus en plus élevé de refus opposés en France aux demandeurs d’asile.

À l’occasion de ses 20 ans, le Centre Primo Levi dresse un bilan plutôt sombre de la situation de plus en plus dégradée des demandeurs d’asile en France et pointe le manque de structures spécialisées et de formation pour prendre en charge les personnes victimes de torture.

70 % des demandes sont refusées

En 2014, le pays a accordé une protection à 30,1 % des requérants contre 78 % en 1981. Pour la responsable du Centre Primo Levi, une structure associative unique qui a accompagné médicalement, socialement et juridiquement plus de 3 500 personnes victimes de la violence politique depuis sa création il y a 20 ans, « la France se distingue par une inhospitalité grandissante envers ces populations ».


« En 1995, 30 % des patients que nous suivions étaient des réfugiés statutaires. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 13 % à finir par obtenir l’asile et 20 % d’entre eux arrivent dans nos locaux alors qu’ils ont déjà été déboutés », détaille Sibel Agrali. Une situation qui entraîne, selon l’association, des conséquences directes sur la thérapie : « Les conditions d’accueil très dégradées et les difficultés grandissantes pour obtenir une protection donnent un sentiment d’insécurité aux patients que nous recevons et prolongent inévitablement la durée des soins. »

Un dispositif public aux abonnés absents

L’inexistence de structures adaptées à la prise en charge des victimes de la torture dans le dispositif de santé publique est l’une des raisons de la création du Centre Primo Levi en 1995. Vingt ans plus tard, l’association fait le même constat : aucun module spécifique d’identification et de soins du psychotrauma dans la formation initiale des généralistes, absence de recours à des interprètes pour des raisons budgétaires, temps de consultations insuffisants ou encore accès à la CMU et à l’AME très compliqués, voire refusés. Les responsables de l’association déplorent qu’« il n’existe pas dans le droit commun de dispositif de santé adapté aux demandeurs d’asile en besoin de soins ».

Au final, les personnes qui s’adressent au Centre Primo Levi « arrivent souvent avec des dossiers médicaux qu’eux-mêmes ne comprennent pas, des diagnostics erronés et des traitements inadaptés ». Pourtant, l’association rappelle qu’une « prise en charge adaptée et précoce est moins coûteuse pour le contribuable » que ce no man’s land sanitaire et social aux conséquences délétères et prolongées : « Les effets de cette violence subie ont la particularité de se transmettre aux générations suivantes » et se manifester de différentes façons, comme une agressivité particulièrement forte à l’adolescence. Des effets en cascade qu’Omar Guerrero, psychologue clinicien au Centre, compare d’ailleurs à ceux de la radioactivité.

Vingt ans de plaidoyer

À l’heure actuelle, seuls dix centres de soins spécialisés ont été créés en France, dont deux ont dû fermer pour des raisons budgétaires. Sibel Agrali rappelle que la situation n’est pourtant pas la même partout : « Dans un certain nombre de pays scandinaves, il existe une entrée par la porte de l’hôpital public qui dispose d’unités proposant des consultations post-trauma à destination des réfugiés victimes de tortures ».

En France, ajoute Eléonore Morel, directrice générale du Centre, « il n’y a absolument aucune étude épidémiologique et populationnelle sur cette catégorie de personnes ». Comme pour se rassurer, Sibel Agrali rappelle cette réflexion du Dr Jacques Lebas, fondateur d’une des premières permanences d’accès aux soins de santé (PASS) : « Pour qu’une thématique soit admise comme relevant de la santé publique, il faut en moyenne 20 ans de plaidoyer ».
Benoît Thelliez

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