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dimanche 12 avril 2015

Villes intelligentes, le défi de la participation citoyenne

LE MONDE ECONOMIE |  | Par 


"Voyage dans les villes intelligentes : entre datapolis et participolis", de Francis Pisani. Editions Netexplo, mars 2015, 98 pages. Téléchargeable gratuitement sur www.netexplo.org


Qu’y a-t-il de commun entre un gratte-ciel bâti à Londres avec des déchets, une maison flottante tirée des cartons d’une architecte futuriste, un village rwandais saisi par la fièvre du numérique et l’immense cité nouvelle coréenne, Songdo, que ses géniteurs ont truffée d’informatique ? Bienvenue dans les smart cities !

Ces projets ou ces réalisations inventent les contours des « villes intelligentes » que nous habiterons demain. Nul n’y échappera, même si aucun modèle ne s’est encore imposé. L’idée paraît simple : combiner la puissance des nouvelles technologies de l’information avec les modes de gestion, d’organisation, de développement et même de construction des centres urbains, des simples quartiers jusqu’aux mégavilles. En principe, pour le plus grand bénéfice des citadins.

Tapez « smart cities » sur Google et vous aurez une petite idée de la diffusion fulgurante de ce nouveau concept : 83 millions d’occurrences déjà recensées sur ce moteur de recherche ! Les villes se situent au carrefour de trois des bouleversements les plus importants du siècle. La révolution urbaine, d’abord : si plus de la moitié de la population mondiale vit déjà dans des villes, le nombre de citadins aura doublé dans trente-cinq ans.

La Chine, à elle seule, bâtira, chaque année dans les vingt ans qui viennent, l’équivalent d’une ville comme New York. La révolution des technologies de l’information et de la communication (NTIC), ensuite : les grandes villes y investissent désormais massivement dans la perspective d’offrir des services beaucoup plus nombreux, plus efficaces et surtout moins chers à leurs habitants.


Perspectives inédites


La collecte et l’utilisation massive des « données », combinée à la puissance d’analyse du big data, ouvrent des perspectives inédites dans tous les domaines : la circulation, le transport, l’énergie, l’habitat ou même la sécurité. Enfin, le défi climatique impose aux villes une autre mutation : nous n’avons aucune chance de limiter le réchauffement climatique si nous ne changeons pas nos villes. En matière de développement durable, c’est ici que les solutions les plus prometteuses commencent à émerger.

C’est fort de ce constat que le journaliste Francis Pisani, chroniqueur obstiné des bouleversements technologiques depuis vingt ans, a entrepris un long voyage, parcourant 32 pays et 45 villes, pour prendre la mesure des laboratoires urbains. Dans cet ouvrage passionnant, mi-essai, mi-reportage, Pisani raconte son périple de Shanghaï à Dubaï, de Songdo à Sricity, sur le golfe du Bengale, en Inde, en passant par Las Vegas, Sydney ou Barcelone.

On saute des 12O tours agricoles de Singapour, pionnière de l’agriculture verticale, aux « lampadaires intelligents » de Barcelone, dont l’intensité s’accroît à l’approche d’un passant, et aux projets les plus amitieux ou même parfois les plus mégalos. « Partout où je suis allé, écrit Pisani, j’ai trouvé des gens qui adoptaient les nouvelles technologies pour changer un pan de leur univers. Une palette extrêmement ouverte où se croisent hommes et femmes d’affaires, entrepreneurs sociaux, responsables publics, artistes et activistes de toutes sensibilités. »

De grandes entreprises ont aussi joué un rôle de pionnières. L’idée même des smart cities semble être sortie d’un défi lancé en 2005 par Bill Clinton à John Chambers, président de Cisco, le fabricant d’équipements pour réseaux numériques : « Pourquoi ne pas utiliser ces fascinants outils technologiques pour rendre les villes plus durables ? »


Participation active des citadins


Chambers prit aux mots l’ancien président et lança une puissante recherche sur le sujet, dotée d’un budget de 25 millions de dollars. IBM, puis un peu plus tard, Schneider Electrics, Siemens, Philips, Huawei et quelques autres se joignent à cette ruée vers l’or : le développement des villes intelligentes est considéré comme le plus gros marché des années à venir dans le domaine des nouvelles technologies.

Notons au passage ce paradoxe : les réalisations en France demeurent assez modestes, alors que de grandes entreprises nationales sont désormais engagées dans cette mutation : EDF, Vivendi, Veolia, GDF Suez, la SNCF ou encore Lafarge ont élaboré des offres et vendent leur expertise à l’international.

Mais Pisani a constaté que les grands projets développés aujourd’hui n’étaient pas tous couronnés de succès. Certains même « vont clairement dans le mur, explique-t-il, qu’il s’agisse des villes nées intelligentes”, comme Songdo en Corée ou Mascar à Abou Dhabi, ou celles qui essaient de le devenir comme Rio de Janeiro ou Londres ». En cause : des projets tombés d’en haut, plaqués sur le terrain sans qu’ait été accordée la moindre attention aux citoyens.

C’est l’une des leçons fortes du voyage de Pisani : ces transformations ont d’autant plus de chances de se révéler efficaces qu’elles auront été conçues et déployées avec la participation active des citadins. Nul n’a envie de voir sa vie quotidienne réglée par des algorithmes ou des décisions prises par des tiers, extérieurs à la ville. Les nouvelles technologies permettent d’inventer une participation nouvelle des citoyens. C’est l’enjeu démocratique des smart cities : faire rimer « datapolis » et « participolis ».

Voyage dans les villes intelligentes : entre datapolis et participolis, de Francis Pisani. Editions Netexplo, mars 2015, 98 pages. Téléchargeable gratuitement sur www.netexplo.org


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