Bien qu’il soit important de comprendre la surmortalité observée chez les malades souffrant d’une affection psychiatrique, rares sont les études épidémiologiques visant à quantifier précisément ce risque. Une équipe d’Atlanta (Géorgie, États-Unis) a consacré une méta-analyse explorant la littérature médicale sur ce surcroît de mortalité dans les maladies mentales.
Mettant à contribution les grandes bases de données classiques (EMBASE, MEDLINE, PsychINFO…), les auteurs ont retenu, parmi près de 2 500 études, 203 articles ayant les critères d’éligibilité pour leur recherche et représentant « 29 pays sur 6 continents[1]. » Dans cette méta-analyse, les statistiques concernent près de 340 000 décès, rapportés dans 133 études et attribuables à des causes naturelles (dans 67,3 % des cas), non naturelles (17,5 % des cas) ou inconnues (le reste).
Ces données montrent, toutes causes de décès confondues, un risque relatif de mortalité (RRM) chez les malades mentaux doublé (multiplié par 2,22 ; intervalle de confiance à 95 % : 2,12–2,33 ; p < 0,001). En fonction du diagnostic spécifique, ce RRM est «particulièrement élevé » lors des psychoses, des troubles de l’humeur et des troubles anxieux : la surmortalité dans les psychoses est « significativement plus élevée que dans la dépression (p < 0,001), la maladie bipolaire (p = 0,1) et l’anxiété (p < 0,01). » En moyenne, la durée de vie perdue est de 10 ans et « environ 14 % des décès dans le monde (soit huit millions de morts chaque année) sont attribuables aux maladies mentales. »
Confirmant la place importante des affections psychiatriques dans la mortalité globale, ce constat incite donc à redoubler d’efforts, dans la lutte contre le « fardeau mondial des maladies », pour « mieux prendre en compte le rôle des troubles mentaux dans la mortalité pouvant être enrayée par une meilleure prévention. » Les modèles élaborés par les auteurs (incluant chaque variable séparément) n’ont pas montré de différence (pour le RRM) liée à la localisation géographique ni au cadre de diagnostic utilisé. En comparant les RRM en fonction de la durée des suivis, on constate que les populations avec un suivi prolongé (> 10 ans) se révèlent « associées à des RRM plus faibles que celles avec des suivis plus courts (p = 0,02). »
Si ce résultat semble a priori paradoxal (puisque les patients avec une pathologie psychiatrique chronique ont ainsi une moindre surmortalité que les sujets avec des troubles plus récents), on peut aussi l’interpréter comme l’effet bénéfique d’un suivi prolongé, donc comme un constat encourageant de l’efficacité du travail thérapeutique. Un argument opposable aux contempteurs des prises en charge psychiatriques au long cours !
[1] Comme « sixième continent », les auteurs ne parlent pas du « continent blanc », l’Antarctique, mais scindent l’Amérique en deux continents (Amérique du Nord et Amérique du Sud).
Dr Alain Cohen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire