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En colloque ce 9 avril, l'Adrhess a tenté de clarifier l'impact des groupements hospitaliers de territoire sur la gestion des ressources humaines. Si celle-ci aspire à devenir un point d'ancrage de ces rapprochements, nombre de directeurs craignent que cela ne cache une nouvelle réduction des coûts, jugés incompressibles, de la fonction RH.
Dans le cadre des futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT), comment faire en sorte que la gestion des ressources humaines ne soit pas un point de blocage mais d'ancrage des coordinations ? C'est la question posée ce 9 avril à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) par le président de l'Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess), Jean-Marie Barbot, en entame du colloque annuel de l'association précisément intitulé "Coopérations et restructurations : la GRH hospitalière dans tous ses états !". Il est vrai que les attentes et inquiétudes sont fortes chez les personnels mais aussi les directeurs, dont plus d'un craint que son métier ne fasse les frais des rapprochements à venir (lire ci-contre). Et chez les directeurs des ressources humaines (DRH), les questionnements sont aussi légions. Aujourd'hui, par établissement, tout juste 1% des effectifs est en charge des ressources humaines alors que ce poste truste 70 à 80% du budget, qu'il amène à suivre la quasi totalité des conflits sociaux et à débattre des sujets peut-être parmi les plus délicats de la vie quotidienne d'un hôpital. "Comment admettre qu'on puisse encore réduire les coûts de gestion de la fonction RH ? On est dans l'incompressible !", s'est exclamé un intervenant au colloque pour un constat partagé par plusieurs de ses collègues.
La perte de chefferie, une pilule amère à compenser
"Ne plus être chef ce peut être l'impression d'être rapetissé !". Aussi, pour la directrice générale du Centre national de gestion (CNG), Danielle Toupillier, "la perte d'identité de plein exercice en chefferie" pour un directeur d'hôpital, qui découlera inévitablement de la systématisation des GHT, doit être compensée par un accroissement des responsabilités fonctionnelles et de leur transversalité dès lors qu'il redevient "simple" directeur délégué de site ou directeur adjoint en charge d'une direction fonctionnelle. Il importe aussi de le faire participer activement au "pilotage stratégique et opérationnel ainsi qu'au développement des projets innovants mobilisant l'intelligence collective". Un sujet crucial, selon elle, qui doit également s'accompagner d'organigrammes lisibles et stables, de délégations de signatures et de marges d'initiatives clairement définies.Vers une profonde "réingénierie" de la fonction RH
"La réflexion sur le coût de la fonction RH, il faut la faire comme pour le bloc opératoire, la biologie... C'est un service comme un autre", a rétorqué Nadine Barbier, en charge du pôle RH à la FHF. Le service répond-il aux missions ? N'y-a-t-il pas des redondances à l'échelon du groupe hospitalier ? Etc.. Autant d'éléments qui obligent, selon elle, à ne pas écarter d'emblée toute réflexion sur ces coûts. À l'entendre, les GHT à venir sont donc l'occasion d'une profonde "réingénierie de la fonction RH verticale, horizontale et transversale". Encore faut-il savoir l'anticiper avec les partenaires sociaux, les cadres et les agents pour ne pas attendre la contrainte de l'ARS et éviter ainsi que le climat social ne se dégrade durablement. À partir de là, difficile de fournir un cahier des charges clés en main pour cette refonte de la fonction RH à l'aune des GHT tant cela diffère entre établissements, comme l'ont illustré les différents intervenants. Au GH de l'Est-Francilien (GHEF, Seine-et-Marne), la direction commune aux CH de Meaux, Marne-la-Vallée et Coulommiers a ainsi créé des directions transversales excepté pour les DRH, qui restent triples*. Des rencontres mensuelles sont toutefois organisées entre DRH pour accorder les projets. Une commission sociale a vu le jour à l'échelon du groupement réunissant les DRH et syndicats des trois hôpitaux et les documents présentés aux diverses instances sont communs et siglés du logo GHEF.
Une DRH unifiée comme préalable
Aux Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne), la fusion passée entre ses deux établissements constitutifs a en revanche concerné la direction des ressources humaines en tant que tel. Les quelques mois en amont de la fusion, le volet social a permis d'harmoniser certaines pratiques différentes en matière de rémunération, de même que les tarifs de la crèche. Un accord sur le protocole de réduction du temps de travail (RTT) en faveur du plus avantageux des deux établissements a été arrêté. Et, depuis janvier dernier, l'hôpital ne compte plus qu'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Dans l'ensemble, le fait de disposer d'une DRH unifiée est un préalable indispensable à l'harmonisation des processus RH, glisse Luce Legendre, ancienne DRH des Hôpitaux de Saint-Maurice. À Lens (Pas-de-Calais), où l'hôpital s'est accordé par le biais d'un groupement de coopération sanitaire public-privé avec l'Association Nord-Artois cliniques (Ahnac), deux DRH persistent avec deux cultures d'entreprise très disparates et des différences de traitement entre agents, même s'ils travaillaient tous déjà en 37h30 hebdomadaires pour quinze jours de RTT, note Matthieu Girier, ancien DRH du CH de Lens. Un point d'homogénéité qui s'est avéré d'une grande aide pour faciliter le dialogue social. Et pour passer outre les barrières statutaires, deux maîtres-mots lors d'un rapprochement, selon Matthieu Girier, sont à utiliser : transparence et communication.
Les petits Ifsi devraient faire les frais des GHT
Les GHT doivent être l'occasion de mettre un terme à "l'éparpillement" des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), au nombre de 326 actuellement pour une promotion moyenne de 80 à 90 étudiants. Pour le président de l'Adrhess, Jean-Marie Barbot, ce travail de modernisation et de restructuration des appareils de formation initiale est primordial pour mettre fin aux Ifsi de petite taille et clarifier l'enchevêtrement de responsabilités disséminées entre l'hôpital, la région, l'université... Une évolution qui risque de mettre à mal un peu plus encore un corps des directeurs des soins — dont 22% des effectifs sont en direction d'école — déjà très nettement en berne démographiquement parlant. Un projet est en cours au GH de l'Est-Francilien, avec cette idée de justement créer un Ifsi de territoire sur le site de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée en lieu et place des trois Ifsi actuels. D'ores et déjà, les trois écoles disposent d'un directeur partagé, de cadres formateurs multi-sites, de stages partagés sur les trois hôpitaux, de formations harmonisées et d'une intégration partagée en sortie d'école.
* Ce sont Corinne Boudin-Walter, DRH du CH de Meaux, Marie-Christine Hosquet-Barrière, DRH du CH de Marne-la-Vallée, et Anne Castanet, DRH du CH de Coulommiers.
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