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jeudi 16 avril 2015

L’infanticide selon House

02/04/2015






Saturne dévorant son fils, par Goya

Sous la plume du…Dr House (un homonyme du célèbre médecin de la série télévisée !), The Resident’s Journal(supplément de The American Journal of Psychiatry) consacre un article à un sujet douloureux, l’infanticide. Cette « mort intentionnelle infligée à un enfant » a traversé l’histoire et les cultures, pour des raisons multiples : « méthode » de régulation des naissances (en cas d’absence ou d’échec de la contraception ou de l’avortement), désir de sélectionner le sexe de sa progéniture, état de démence (au sens juridique du terme) sous l’effet d’une psychose post-puerpérale, conséquence d’une déréliction suprême ou d’une impasse économique (comme dans l’histoire du Petit Poucet que ses parents abandonnent dans la forêt)… Et loin d’être réservé à « l’ancien monde », l’infanticide persiste partout sur la planète, malgré les progrès de la civilisation technologique, laquelle peut au contraire lui apporter (comme dans les cas de « bébés congelés ») un nouveau cadre.
L’auteur note que la spécificité des pathologies du post-partum n’est pas reconnue par les tribunaux aux États-Unis où on considère qu’elle serait « redondante » avec le système de défense des avocats consistant généralement à plaider « non coupable pour raison d’aliénation mentale » (to plead not guilty by reason of insanity). Et même si le meurtre (et a fortiori celui d’un sujet plus vulnérable, comme un enfant) est universellement condamné, les législations spécifiques et la prise en compte de la dimension psychiatrique varient d’un état à l’autre.
SJ House distingue l’infanticide du « néonaticide », un néologisme éclairci par son étymologie (meurtre d’un nouveau-né) et présente les nuances épidémiologiques entre diverses situations. Du point de vue des victimes, autant de nouveau-nés féminins que masculins (enfants « non désirés ») sont tués par leurs parents. Il s’agit là des statistiques aux États-Unis, car les petites filles ont payé bien sûr un plus lourd tribut que les garçons, lors de la politique d’enfant unique obligatoire en Chine. Du point de vue des parents meurtriers, malgré le mythe de Saturne-Cronos dévorant ses fils (repris aussi dans le conte du Petit Poucet où l’Ogre dévore ses filles), on constate que les pères tuent leurs propres enfants « moins souvent que les mères » et sont « moins susceptibles de dissimuler leur crime. » Ils recourent par contre à des « méthodes plus violentes pour tuer » : secouer l’enfant, le battre… Des antécédents d’infractions violentes sont plus fréquents chez ces pères, relativement aux mères meurtrières, affectées plus souvent par une maladie mentale, mais plus discrètes (pas de casier judiciaire, tendance à dissimuler le meurtre du nouveau-né).
Une forme clinique particulière est celle de l’adolescente ou très jeune adulte (moins de 20 ans) tuant l’enfant dès sa naissance : on ne retrouve pas forcément un contexte de maladie mentale, mais un grand désarroi social : solitude, difficultés économiques. L’infanticide paraît alors moins violent, se résumant à l’abandon du bébé, mais ces jeunes mères sont plus susceptibles de dissimuler le crime, comparativement aux mères d’enfants plus âgés.

La prévention de ces drames doit s’attacher à réduire au maximum tous les facteurs de risques : traiter une maladie mentale connue chez les parents, suivi étroit des grossesses, recours aux services sociaux, notamment en cas de précarité ou de violences domestiques… On peut évoquer aussi une lecture « artistique » de l’infanticide, en comparant son traitement chez Rubens et chez Goya. Ces deux peintres ont donné leur version du mythe de Saturne dévorant son enfant, mais la toile de Rubens est plus claire, et Saturne y est représenté moins hagard et moins féroce que dans l’œuvre de Goya où il incarne la folie, manifeste dans son regard torturé aux yeux exorbités. Pourtant, des critiques jugent paradoxalement la version de Rubens plus effrayante encore : car contrairement à celle de Goya (qui montre un homme fou en train de tuer son fils), elle présente un tueur pouvant passer inaperçu, calculateur, et sans remords.
Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCE
House S J : When parents kill: a review of infanticide. The American Journal of Psychiatry Residents’ Journal, 2015., 10: 16–18.

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