CRITIQUE
Qui sont ces défenseurs de l’égalité des sexes ?
«La libération des femmes sera l’œuvre des femmes elles-mêmes»,affirmait dans la décennie 1970 le bien nommé Mouvement de libération des femmes (MLF), brandissant la sororité en lutte contre le patriarcat, accusé d’inférioriser les femmes, victimes depuis des siècles de la phallocratie. L’entre-soi des militantes exprimait aussi la conviction de l’existence d’une identité commune résultant de la catégorie «femme», au nom de laquelle et pour laquelle elles parlaient. Ce «nous les femmes» a imposé alors la non-mixité ; il était impensable que des hommes puissent œuvrer contre leurs propres camp et pouvoir. Une telle configuration des rapports de sexe ne laissait aucune place à un féminisme masculin, alors qu’en 1967, Féminin Masculin Avenir (FMA) avait été fondé sur le principe que «l’émancipation de la femme intéresse aussi l’homme et ne se fera pas sans lui».
Alban Jacquemart se souvient de l’activisme de ces militants, certes peu nombreux ; il entend restituer non seulement le rôle de tous ceux qui leur emboîtèrent le pas, mais le sens de leur présence, son effet individuel et collectif. Ainsi le sociologue s’attaque-t-il à un pan quasi vierge de l’histoire de l’engagement masculin pour la cause féministe ; il ne s’intéresse ici qu’à ceux qui vont au-delà des sympathies et de bienveillants soutiens passagers, et placent les revendications féministes au cœur de leur militantisme, posture a priori «improbable». Et, pourtant, c’est à un homme, Léon Richer, que l’auteur attribue la naissance même de la première vague féministe qui enfle au cours de la Troisième République. Une telle affirmation fera sans doute débat : on arguera que, d’une part, elle feint d’ignorer les prémisses que posèrent par leurs revendications féministes des révolutionnaires de 1789 ou les prolétaires saint-simoniennes de 1830 et, d’autre part, elle oublie que l’impossibilité d’exprimer sa conscience de genre ne signifie pas qu’elle n’existât pas, même si Richer lui-même reprochait aux femmes de ne pas s’indigner «devant les honteuses servitudes que leur impose la loi».
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