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jeudi 16 avril 2015

Les professionnels en addictologie défendent une meilleure coordination de la prévention des risques


Parcours de soin, décloisonnement des pratiques, coopérations entre acteurs, renforcement de la prévention, adaptation de l'offre aux besoins... Les enjeux de la loi de Santé croisent ceux des addictions et de la prévention des risques. L'occasion pour les professionnels d'améliorer l'organisation des réponses en la matière.

En matière de prévention des addictions, les débats sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé se sont focalisés sur les mesures les plus polémiques comme le paquet de cigarettes neutre et les salles de consommation à moindre risque (SCMR). Si les professionnels de santé portent un intérêt important à ces dispositions, d'autres concernant l'organisation des réponses aux addictions retiennent avant tout toute leur attention. La Fédération addiction* estime dans un communiqué que le projet de loi constitue "une occasion d’ancrer une approche cohérente des addictions dont notre pays a besoin". Et de citer : la régulation de l'accès aux substances, la protection des personnes vulnérables de la pression du marketing et de la publicité assurée par la loi Évin, la mise en œuvre d'une prévention articulée avec les autres missions des centres de soin, l'accès aux actions de réduction des risques, "qui loin de faciliter l'usage en réduisent les conséquences néfastes", et une offre de soin diversifiée.
 Aborder risques et dommages de front
Dans sa version actuelle, l'article 8 dispose que : "La politique de réduction des risques en direction des usagers de drogues vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections, la mortalité par surdose liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants." Les actions de sa mise en œuvre visent à : informer sur les risques associés à l'usage de ces produits ; "orienter les usagers de drogues vers les services sociaux, les services de soins généraux, de soins spécialisés afin de mettre en oeuvre un parcours de soin adapté à leur situation spécifique et d’améliorer leur état de santé physique et psychique" ; distribuer des matériels destinés à la réduction des risques ; superviser les comportements, les gestes et les procédures de prévention, c'est-à-dire mettre en garde les usagers sur les modalités de consommation sans pour autant user de "participation active aux gestes". 


Par ce projet de loi, le Gouvernement affiche son ambition de donner "un nouvel élan" à la politique de réduction des risques (RDR). De leur côté, les professionnels considèrent aussi cette reconnaissance comme un enjeu majeur du texte. En matière de prévention, ils insistent sur la nécessité d'aborder à la fois les risques et les dommages. Suivant ce même objectif, le député Olivier Véran (SRC, Isère) a notamment proposé un amendement (n° AS1711à l'article 8. Adopté en commission, l'ajout de cette seconde notion prévoit que : "La dénomination actuelle de "réduction des risques" présente un inconvénient : le mot "risque" renvoie au fait de s'engager dans une action qui pourrait représenter un avantage et seulement l'éventualité d'un danger ou d’une dommage… Or la lutte contre la toxicomanie se fonde sur l’idée que le danger n’est pas éventuel, mais certain : il y a toujours des dommages liés à la consommation de produits classés comme stupéfiants." Dans un autre amendement (n° AS104), adopté en commission, le député suggère que soit mieux reconnue la portée de l'activité menée dans ce cadre. Il explique dans l'exposé des motifs qu'"au-delà d'une simple orientation, il s'agit d'un accompagnement des usagers de drogues non seulement dans un parcours de soin, à visée curative, mais dans un parcours de santé visant à les rendre plus autonomes, au plan physique et psychique, et donc à améliorer leur insertion sociale".

Reconnaître la réduction des risques comme mode d'intervention


"La RDR ne peut être réduite à une action d'information et d'orientation", affirme la Fédération addiction. Elle est "un mode d'intervention en direction des usagers". En bref, il s'agit de ne pas opposer prévention, réduction des risques et soins. Si la loi affiche bien l'objectif de "sécuriser les pratiques professionnelles", la fédération estime qu'en l'absence de "mention explicite" dans l'article 8, il est nécessaire "de lever cette ambiguïté juridique et de sortir de la stigmatisation ces professionnels, régulièrement et violemment pris à partie sur le versant de la facilitation et de l’incitation à l’usage". Les professionnels n'ignorent pas en effet la contradiction entre les modalités de prévention et la prohibition instituée par la loi pénale. Mais, quotidiennement confrontés à des faits, leur intervention doit pouvoir être définie en fonction des besoins de la personne en s'adaptant à ses pratiques de consommation. 



Une autre problématique essentielle est celle de l'articulation entre les différents acteurs intervenant dans la prévention des addictions. "Le champ de la prévention est découpé en strates", regrette Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la Fédération addiction. "Il y a d'un côté des programmes de promotion de la santé et de l'autre les actions d'intervention. Les différentes filières ne se connaissent pas ce qui entraîne une perte d'efficience." Et de donner l'exemple des établissements scolaires restant parfois dans la méconnaissance de l'action des consultations jeunes consommateurs (CJC) ou du travail des professionnels de santé. "Il faut donner une colonne vertébrale à la prévention", affirme-t-il. Un rôle qui devrait revenir aux centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), selon lui. Sur les territoires, les CSAPA sont déjà "l’un des principaux dispositifs chargés de décliner la politique de santé en matière d’addiction. Ils développent une mission de prévention de proximité qu’ils déploient sous des formes et dans des contextes différents (écoles, familles, justice,…)", rappelle la fédération. Elle demande donc que leur mission de prévention, inscrite en 2007 par le législateur sans être rendue obligatoire, soit mieux reconnue.
Aude Malaret 
* La Fédération addiction est un réseau de professionnels qui accompagne les usagers dans une approche médico-psycho-sociale et transdisciplinaire des addictions. Elle fédère 205 personnes morales représentant plus de 700 établissements et services (CSAPA, CAARUD, CJC, CTR, CT, ELSA, etc.) et 420 personnes physiques (médecins de ville, praticiens hospitaliers, professionnels de la prévention, du médico-social).

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