Repérage du mésusage consigné dans le dossier médical, intervention thérapeutique sur mesure, sevrage ambulatoire, la prise en charge de l’alcoolo-dépendance par le généraliste s’est complètement modifiée depuis les années 2000.
«La pratique du généraliste vis-à-vis du mésusage d’alcool a considérablement changé depuis 2001 », souligne le Dr Francis Abramovici (président de la Fédération Unaformec Ile-de-France), lors des journées de la Société Française d’Alcoologie (18, 19, 20 mars 2015. Paris). « Dans les années 2000, l’alcoolisme était un tabou dont on ne pouvait pas parler », note-t-il. Les généralistes se sentaient peu formés pour prendre ce problème en charge, avaient l’impression que leur action était inutile. De plus « leur rémunération ne prévoit pas ce genre de tâches ». Au final, sans demande du patient, le généraliste n’abordait pas le mésusage.
Pourtant, selon les données de l’observatoire des pratiques de la SFMG en l’an 2000, le mésusage d’alcool représentait 1,21% des consultations et 18% des consultations des plus de 18 ans. Avec, en toile de fond, une sous-estimation de la prévalence du problème par le praticien (ils l’estiment à la moitié de la réalité).
L’intervention brève, une méthode efficace
Après les années 2000, on assiste à la mise en place de nouveaux paradigmes. La notification du mésusage dans le dossier médical, devenue systématique, est déjà un vrai changement dans le suivi du patient porteur de ce problème. L’intervention brève en médecine générale constitue également une avancée majeure de la prise en charge. C’est, en effet, une méthode efficace, facilement utilisable. Cependant les études montrent que pour être couronnée de succès, cette méthode doit être utilisée en continu, et non en « one-shot », comme c’est trop souvent le cas. Les entretiens motivationnels apparus ensuite, modélisent un autre type de relation médecin-patient que la relation habituelle entre un « médecin qui sait » et un malade qui écoute. « Formations initiale et continue sont indispensables à la maîtrise de ces outils », tient à souligner Francis Abramovici.
En 2015, les recommandations de bonne pratique de la Société Française d’Alcoologie insistent sur ces aspects. Selon elles, le repérage du mésusage est efficace et pertinent en médecine générale. L’abord de la consommation d’alcool avec un patient doit se faire de manière ouverte, avec des questions franches et les informations doivent être consignées dans le dossier médical du patient.
Prévenir la rechute
Le sevrage en ambulatoire est aussi une des grandes modifications de ce nouveau référentiel. Il est à privilégier en dehors des indications du sevrage résidentiel. « Il y a dix ans, le sevrage se faisait par cure et post-cure à l’hôpital. Aujourd’hui, il n’y a plus assez de place dans les services hospitaliers pour obtenir une prise en charge de sevrage. De plus, l’idée que toutes les cures se déroulent au même endroit n’était pas si bonne que ça », pointe Francis Abramovici. « Le sevrage est maintenant efficace en milieu de vie habituel, ce qui permet d’éviter qu’une fois sa cure à l’hôpital terminée, le patient, revenu dans son environnement, ne retourne au bistrot. Le suivi clinique rapproché à domicile suppose cependant que le généraliste ait du temps, qu’il puisse, avec d’autres soignants accompagner son patient, et pendant la période de sevrage, aller voir plus souvent son patient chez lui », poursuit-il.
Il faut ensuite prévenir la rechute, dans un projet de soins personnalisé défini avec le patient et grâce à un travail en réseau. Au total, « le généraliste reste le pivot de la prise en charge du mésusage, permettant un accompagnement de longue durée, tant pour le sujet que pour son entourage. Mais le soutien qu’il apporte nécessite une formation adaptée, d’où l’intérêt d’une formation initiale plus approfondie sur ce thème », conclut Francis Abramovici.
Dr Alain Dorra, alain.dorra@gpsante.fr
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