21 FÉVR. 2022
Le terme "psychiatrisation" peut être au sens son plus large défini comme "le fait d'avoir affaire à la psychiatrie". Cependant, il me semble intéressant d'interroger ici plus précisément ce qu'est la psychiatrisation, travail rendu difficile par l’extrême étendue du rôle de la psychiatrie.
Beaucoup d'entre nous auront affaire à la psychiatrie, au moins une fois dans sa vie. La psychiatrie peut très rapidement être définie comme une structure (des lieux, des "soignants" et autres personnels, et un ensemble de règle) visant à ordonner la société. Il s'agit, à l'aide de croyances ou d'idées, de participer au maintien d'un ordre dans la société où chacun aura une place pré-définie.
Afin de légitimer son action de contrôle sur ses patient-es, la psychiatrie peut utiliser le concept de la "folie". En définissant elle-même ce qu'est la folie, la psychiatrie se donne le rôle de s'occuper de certaines personnes. Mais certaines de ces personnes ne sont considèrent pas elles-même comme folles ; ou ne seraient pas considérées comme folles dans un autre pays. Le monopole de la définition de la folie par la psychiatrie est un élément important de son pouvoir.
De plus la psychiatrie s'occupe également de personnes qu'elle ne considère pas elle-même comme vraiment folles. Dans le sens où certain-es de ses soignant-es ont arrêté de mobiliser le concept de la folie pour préférer indiquer que leur travail s'adresse à des personnes qui sont dans le mal. Par exemple, certains diagnostics ayant été pour certaines personnes dé-stigmatisés ou assainis, la psychiatre se donne également le rôle d'accompagner tout un chacun vers le bien-être. En ayant le monopole de la définition du bien-être bien sûr.
La définition du bien-être de la psychiatrie est évidemment validiste, raciste, transphobe, sexiste... Par exemple, en France, bien être c'est travailler. Bien être c'est être blanc-he, faire comme les blanc-hes. Bien-être c'est être cis, faire comme les cis. Chaque personne concernée par un système de domination trouvera facilement des exemples.
Cette définition de la psychiatrie est beaucoup trop brève, mais permet de comprendre un peu ce qu'est la psychiatrisation.
La psychiatrisation au sens très large donc constitue le fait d'avoir affaire à la psychiatrie. Mais subissons-nous tous-tes la même psychiatrie ? Il est évident que non, notamment puisque chacun de nos privilèges peut servir à cocher des cases de ce qu'est le bien être aux yeux de la psychiatrie. La psychiatrie ne m'a jamais attaquée pour ma blancheur ! Ce n'est pas son rôle. Et plus que cela, le fait d'être blanche me permet de rendre acceptable aux yeux de la psychiatrie une folie qui ne serait pas acceptée pour une personne racisée. Quand bien-même je suis une femme trans pauvre diagnostiquée schizophrène, bipolaire, TDAH... je sais que j'ai, par exemples, une certaine possibilité à l’énervement ou à la contestation que d'autres n'ont pas.
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