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Le Napa Valley Museum propose une rétrospective étonnante des jouets les plus dangereux de l’histoire américaine récente. L’occasion de réfléchir au dosage pédagogique du risque.
“Des kits scientifiques contenant du véritable uranium, des boules en verre qui font un bruit amusant quand on les écrase l’une contre l’autre, des fléchettes bien lourdes et pointues censées être lancées à travers des cerceaux en métal (à moins que ce ne soit sur ses petits frères énervants)… Comment tout cela pourrait-il mal tourner ?” ironise le Napa Valley Register. Ce journal californien a visité l’exposition “Dangerous Games : Treacherous Toys We Loved As Kids” (“Jeux dangereux : ces jouets traîtres que nous adorions quand nous étions petits”) du Napa Valley Museum. Elle a ouvert au public fin septembre à Yountville, une commune située à environ 90 kilomètres au nord de San Francisco.
L’idée d’une rétrospective sur les jouets les plus dangereux qui ont peuplé l’enfance d’une certaine génération d’Américains est venue en découvrant la résurgence des jeux de plein air et de jardin pendant la pandémie, explique au quotidien Laura Rafaty, la directrice du musée. Un parfum de nostalgie de l’époque où “le jardin derrière chez soi était en soi un vrai terrain d’aventure. […] On pouvait s’y déchaîner en s’amusant. Nous y passions toute la journée sans que nos parents ne sachent où nous étions. Il suffisait d’être de retour à temps pour le dîner.” Il a fallu écumer le site de vente eBay pour retrouver toutes ces pièces vintage – une tâche confiée à Thurlow Washam, l’un des donateurs du musée.
Risque physique, risque moral
On découvre ou redécouvre ainsi la commercialisation de fléchettes géantes de près d’un demi-kilo, dangereuses dans leur conception même, souligne Forbes : “Parmi les blessures répertoriées, il est question de cécité et de lésions cérébrales. C’est pour cette raison que le gouvernement américain a interdit la commercialisation des fléchettes de pelouse pour les enfants en 1970.”
L’un des clous de l’exposition servait même d’incursion pédagogique et ludique dans le domaine du nucléaire : “Le laboratoire d’énergie atomique Gilbert U-238 permettait aux enfants de s’entraîner à chercher de l’uranium à l’aide d’un compteur Geiger, en leur fournissant le matériel nécessaire pour analyser le minerai.” Les visiteurs peuvent se rassurer : des équipes scientifiques ont analysé les mallettes exposées sans détecter de trace de radioactivité. Les experts, relate Laura Rafaty dans le Napa Velley Register, “nous ont assuré que ces objets n’étaient pas aussi dangereux que leur appellation pouvait le laisser supposer, et qu’ils ont en effet incité de nombreux enfants à poursuivre leurs études dans le domaine scientifique”.
En revanche, d’autres jeux s’avèrent réellement toxiques, notamment parce qu’ils comportent des traces d’amiante. Le Super Elastic Bubble Plastic, populaire dans les années 1970, invitait quant à lui à appliquer une substance liquide sur une paille avant de souffler dedans pour former des bulles plus résistantes que celles de savon. Le site du Napa Valley Register décrit le gadget comme ressemblant à une pipe à crack, avant de citer à nouveau la directrice du musée :
Le problème, c’est que le plastique contenait des substances chimiques toxiques et qu’en respirant leurs fumées on pouvait se mettre à planer.”
D’autres formes plus subtiles de risque existent lorsque les jouets acquièrent une réputation sulfureuse. Forbes indique que des cas de panique morale sont analysés avec soin dans l’exposition, et replacés dans leur contexte historique et culturel. “Par exemple, le hula-hoop et le jeu Twister étaient sujets à controverse parce que, dans les années 1960, certains leur trouvaient une connotation sexuelle.” De même avec le Ouija, ces tablettes gravées permettant de s’initier au spiritisme, fort peu en odeur de sainteté auprès des groupes chrétiens américains.
Environnement aseptisé ?
“Les milléniaux vont s’émerveiller devant ces jouets violents, datant d’avant l’ère du féminisme, brûlants, toxiques et même radioactifs, autant de choses impensables aujourd’hui pour tous ces parents inquiets, et à l’heure des mises en garde multiples”, s’amuse le Napa Valley Register. C’est bien là tout l’intérêt de l’exposition, estime l’enthousiaste critique de Forbes : s’interroger sur le fait que les jouets d’aujourd’hui tombent peut-être dans l’extrême inverse et proposent aux enfants des environnements trop aseptisés ou sécurisés.
Il ne s’agit en aucun cas de défendre la présence d’amiante dans des objets destinés aux bambins, mais de réfléchir à mieux positionner le curseur des réglementations. “Par exemple, le sentiment d’indépendance procuré par un vélo est en partie alimenté chez l’enfant par l’éventualité d’avoir un accident”, mais faut-il pour autant interdire le vélo aux plus jeunes ? Le critique plaide pour ne pas chercher à gommer tous les dangers imaginables, en raison de la vertu pédagogique du risque bien dosé. De quoi stimuler la curiosité des plus jeunes.
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