par Olivier Monod publié le 26 avril 2021
Dans une tribune parue dans la revue «BioScience», la chercheuse Florence Débarre et les membres de la société internationale de biologie évolutive avancent plusieurs priorités pour éviter le développement de mutations du virus : maintien des gestes barrières, davantage de séquençage et de coopération internationale.
Le gouvernement perd la tête avec les variants. Dimanche, le Premier ministre, Jean Castex, les voyait «en régression», ce lundi matin, sur France Info, placée face aux données de Santé publique France, la ministre Agnès Pannier-Runacher a reconnu que leur proportion augmentait «légèrement».
Pour l’aider à y voir clair, Libération donne la parole à la chercheuse au CNRS Florence Débarre. Elle co-signe avec les membres de la société internationale de biologie évolutive une tribune parue le 10 avril dans la revue BioScience définissant quatre priorités de santé publique dans la lutte contre le Covid-19. Le but est clair : limiter les risques d’apparition de variants.
Pour ce faire, le gouvernement devrait chercher à faire baisser drastiquement la circulation du virus. Florence Débarre, chercheuse impliquée dans la plateforme MODCOV19 de modélisation de l’épidémie, lance aussi un appel pour un partage plus rapide et plus systématique des données de séquençage françaises.
Pourquoi la société internationale de biologie évolutive a senti le besoin de prendre la parole maintenant sur la gestion de la pandémie de Covid-19 ?
Nous constatons tout simplement que l’évolution du virus n’est plus un sujet évitable dans la gestion de cette crise. En 2020, on pouvait considérer que la population du virus responsable du Covid-19, le Sars-CoV-2, était uniforme, mais ce n’est clairement plus le cas depuis l’apparition de variants préoccupants. Les questions d’évolutions ne sont plus évitables. Notre communauté scientifique a une expertise de ces sujets, c’est notre objet de recherche et nous avons voulu rappeler plusieurs points fondamentaux de la théorie de l’évolution qui nous semblent pertinents pour la gestion de l’épidémie.
Nous sommes face à un nouveau pathogène et plusieurs actions de santé publique peuvent permettre d’en réduire le potentiel évolutif.
Dans votre tribune, vous définissez quatre priorités de santé publique, quelles sont-elles ?
En premier lieu, il s’agit de réduire le nombre de cas pour éviter l’apparition de variants. Réduire le nombre d’infections sauve des vies, bien sûr, mais cela réduit aussi la taille de la population de virus. Or, plus la taille de la population de virus est grande, plus celui-ci évolue et s’adapte rapidement. Il faut donc réduire cette population pour limiter les opportunités d’évolution du virus.
Notre deuxième point vise à éviter l’apparition de variants capables d’infecter des personnes immunisées par une première infection ou par la vaccination. Ces variants vont être sélectionnés en cas de contact entre des personnes infectées et des personnes immunisées. Il faut donc que les personnes vaccinées ou guéries continuent de respecter les gestes barrières tant que le virus circule beaucoup.
Vous préconisez aussi de maintenir un haut niveau de suivi des variants…
Tout à fait, c’est notre troisième point. Cette surveillance se fait par criblage et par séquençage. Le criblage permet de repérer rapidement par PCR des mutations connues. Le séquençage est plus lent, mais il permet de repérer des nouveaux variants. Les deux sont complémentaires. Il est aussi primordial que les données issues du séquençage soient rendues publiques rapidement afin de faciliter le travail des chercheurs et la collaboration internationale.
D’ailleurs, la coopération internationale est le dernier point de notre tribune. La situation en Inde nous le rappelle de façon dramatique, tant que tous les pays n’auront pas mis le virus sous contrôle nous serons tous dans une situation de vulnérabilité. Il faut donc une coopération internationale renforcée sur les vaccins, la surveillance génomique, les traitements, etc.
Si on regarde ces quatre points, la France semble plutôt un mauvais élève, non ?
Clairement, nous maintenir à un plateau élevé d’infections est problématique. Là-dessus, je ne sais pas si tout le monde a pris la mesure du problème. Sur le deuxième point, la communication sur le maintien des gestes barrières après la vaccination est plutôt bonne. Enfin, concernant le séquençage, les choses sont mitigées. Un plan de surveillance génomique a été lancé, ce qui est une excellente nouvelle. C’est le partage des données sur lequel des améliorations sont possibles. Olivier Véran a annoncé que la France avait généré 44 000 séquences depuis février, mais la plateforme internationale de partage des séquences Gisaid ne recense que 23 000 entrées françaises depuis un an. L’écart est trop important. Or, le partage sans délai de ces séquences est essentiel pour comprendre la dynamique épidémique et estimer les risques associés à chaque variant.
L’exemple à suivre est le consortium britannique COG-UK, mis en place en quelques semaines dès le printemps 2020 et d’une efficacité incroyable. C’est le principal contributeur de Gisaid dans une approche de sciences ouverte : ils partagent tout, leurs protocoles et comme leurs séquences.
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