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vendredi 30 avril 2021

Le gouvernement sécurise un peu plus l’hébergement des femmes victimes de violences

par Marlène Thomas  publié le 30 avril 2021 

Les ministres de l’Egalité et du Logement, Elisabeth Moreno et Emmanuelle Wargon, annoncent dans «Libération» la revalorisation du financement des 1 000 places d’hébergement supplémentaires prévues en 2021 pour l’accueil des femmes victimes de violence.

Le gouvernement entend muscler sa réponse à la question cruciale de l’hébergement des femmes victimes de violences, pointée par des experts comme lacunaire. En visite ce vendredi dans un centre d’hébergement d’urgence de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) tenue par l’association Foyer international des travailleuses, une femme, un toit (FIT), la ministre déléguée chargée de l’Egalité, Elisabeth Moreno, et la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, s’apprêtent à confirmer la création de 1 000 nouvelles places en 2021 par le lancement d’un appel à projets. Un pas en avant, déjà promis début septembre par le Premier ministre, Jean Castex, en sus des 1 000 places déjà créées dans le cadre du Grenelle l’an dernier. 535 de ces nouvelles places seront dévolues à l’hébergement d’urgence et 465 seront créées par le biais de l’allocation de logement temporaire (ALT). Les premiers projets devraient voir le jour dès le 15 juillet.

Contactée par Libération, Elisabeth Moreno pointe une «question capitale» : «Au-delà de l’emprise, la peur, la honte, toutes les femmes victimes de violences que j’ai rencontrées me disaient qu’elles n’étaient pas parties, malgré des années à se faire battre, car elles ne savaient pas où aller et ne voulaient pas mettre leurs enfants en danger.» Ce nouvel effort portera le nombre total de places à 7 700 contre 5 000 au début du quinquennat. Le Haut Conseil à l’égalité (HCE) estime, lui, dans un rapport publié en octobre les besoins à 20 000 places. Le compte n’y est donc toujours pas. «Je veux bien reconnaître qu’il en faut plus mais il faut aussi souligner que 60 % d’augmentation en quatre ans, ça n’avait jamais eu lieu. Nous continuons et j’espère que nous irons toujours plus loin», rétorque Elisabeth Moreno. La ministre du Logement, également contactée par Libération, souligne «une étape importante» qui en appelle«d’autres».

«Rattrapage fort»

La répartition de ces places sur le territoire se fera en fonction des besoins remontés au niveau régional. Certains départements en sont encore quasiment dépourvus. La Haute-Marne ne dispose que d’une seule place, selon le HCE. Face à une situation encore largement dégradée en Outre-Mer, Elisabeth Moreno «a décidé d’attribuer 10 % de ces places d’hébergement dans les DOM». Insistant sur la priorité d’un «maillage territorial», elle rappelle : «Les violences conjugales n’ont ni frontières géographiques, ni frontières sociales, ni frontières générationnelles.» Coprésidente de la commission «violences de genre» au HCE, Ernestine Ronai salue ces ouvertures tout en notant «qu’on est encore assez loin du nombre de places souhaités par rapport aux besoins. Il faudrait passer le palier des 10 000 places». D’autant que les enfants sont comptés parmi ces 1 000 nouvelles places. Une femme avec deux enfants occupera donc trois places. L’absence de distinction augmente artificiellement le nombre de places réservées aux femmes. «Il faut protéger les enfants mais aussi se rendre compte que ce ne sera pas 1 000 femmes qui seront mises à l’abri, plutôt 400», relève la coprésidente.

Autre avancée très attendue, les deux ministres doivent annoncer la revalorisation du financement de ces places supplémentaires dès leur création. Une somme permettant de payer les frais liés au bâtiment, à l’alimentation, au gardiennage et à l’accompagnement social. Les fonds insuffisantsengagés dans le cadre du Grenelle, avaient été dénoncés par le HCE et les deux sénateurs. L’appel a été reçu. Le coût moyen en Ile-de-France et en Outre-Mer passe à 37 euros par jour contre 35 euros auparavant. Les ministères relèvent surtout un «rattrapage fort» pour le reste du territoire français où le coût moyen grimpe à 33 euros par jour contre 25 auparavant. Une augmentation de 11 à 20 euros est aussi prévue aussi pour l’allocation de logement temporaire. Au total, une enveloppe de 10 millions d’euros supplémentaires est engagée pour ces nouvelles places. «On a doublé le budget, un effort colossal dans cette période complexe», fait valoir Elisabeth Moreno. Le seuil de 40 à 50 euros préconisé par les associations n’est toutefois toujours pas atteint. Emmanuelle Wargon abonde : «C’est un bel effort, ça va permettre de financer des vigiles, la sécurité est absolument indispensable, et d’améliorer l’accompagnement. On passe un beau palier.» Ernestine Ronai voit aussi dans cette revalorisation «un vrai progrès» laissant présager «un accompagnement de meilleure qualité et du personnel formé.»

Places non mixtes ou généralistes

Un enjeu financier central en rejoignant un autre, le HCE recommande que les nouvelles places d’hébergement soient ouvertes dans des centres spécialisés, non mixtes, comprenant du personnel formé sur les violences faites aux femmes. Plutôt que dans le parc généraliste peu adapté et moins sécurisant où se croisent différents profils allant des sans-abri aux sortants de prison. Face à ces doléances, les deux ministères assurent que les 1 000 nouvelles places seront bien spécialisées et non mixtes tout comme celles de 2020. Pourtant, un récent rapport d’information des sénateurs Arnaud Bazin (LR) et Eric Bocquet (PCF) indique que «les places d’hébergement pour les femmes victimes de violence sont souvent des places généralistes et non spécialisées» et que «dans le cadre du Grenelle, […] seront créées 342 places en hébergement d’urgence généralistes».

La ministre de l’Egalité réagit : «Il est possible que par le passé il y ait eu des places mixtes, généralistes mais je peux vous garantir que toutes les places de 2020 et de 2021 sont créées dans des structures totalement sensibilisées à l’accompagnement des femmes victimes de violences, car elles nécessitent un suivi très spécifique. Elles arrivent avec la peur au ventre, l’inquiétude pour leur avenir.» Le flou demeureSelon le HCE, les critères établis par l’administration ne permettent pas de recenser avec certitude ces places spécialisées.«C’est une véritable avancée si ces 1 000 places sont dans des centres spécialisés, non mixtes», assure Ernestine Ronai tout en regrettant un manque criant de transparence.

Autre bon point relevé par le HCE : le lancement d’un comité de suivi par les deux ministres. Le premier rendez-vous est fixé au 26 mai. «Je pense qu’il donnera des éléments de connaissance réelle des besoins et de l’existant. On arrêtera de jouer à ne pas savoir», espère Ernestine Ronai. Associations spécialisées et bailleurs sociaux y seront notamment conviés. «On a ouvert 1 000 places l’an dernier, est-ce qu’on les a vraiment ouvertes ? Géographiquement, ça se répartit comment ? Est-ce que des thématiques émergent ?» égrène Emmanuelle Wargon. Un état de lieu permettant aussi d’organiser une meilleure coordination entre les différents acteurs de terrain. Elisabeth Moreno ajoute : «Ces femmes qui arrivent cassées, abîmées ont besoin d’avoir une continuité dans l’accompagnement jusqu’à ce qu’elles puissent reprendre leur vie en main. Il faut les accompagner vers un relogement pérenne.»


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