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lundi 26 avril 2021

Fausses couches, vrai tabou

par Marlène Thomas  publié le 27 avril 2021 

Une étude publiée dans le revue médicale «The Lancet» appelle à mieux prendre en charge les conséquences physiques et surtout psychologiques des fausses couches.

Pas moins de 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde. L’équivalent d’environ «44 grossesses perdues chaque minute» et de 15% du total des grossesses. Dans une série de trois études publiées lundi dans la revue médicale The Lancet, les chercheurs appellent à mieux prendre en charge les lourdes conséquences physiques et surtout psychologiques de ces fausses couches, concernant pas moins d’une femme sur dix. «Pendant trop longtemps, le fait de faire une fausse couche a été minimisé et souvent, pas pris au sérieux […]. Le temps où on se contentait de dire aux femmes de réessayer est révolu», expose l’éditorial accompagnant ce rapport.

Face à ce deuil «géré dans un isolement relatif», des idées fausses se développent. «Par exemple, les femmes peuvent croire qu’une fausse couche est rare, qu’elle pourrait être causée par le soulèvement d’objets lourds ou l’utilisation antérieure de contraceptifs, ou qu’il n’existe aucun traitement efficace pour prévenir une fausse couche», est-il souligné dans le premier article. Des idées reçues pouvant «être préjudiciables, laissant les femmes et leurs partenaires coupables, sans chercher ni traitement ni soutien».

Encore considérée par certains comme honteuse, la fausse couche est parfois dissimulée par des couples à leurs proches, ce qui empêche d’exprimer et de reconnaître les conséquences psychologiques de cette perte. Un tabou que certains personnages publics tels que la mannequin Chrissy Teigen et Meghan Markle ont contribué l’an dernier à briser en témoignant de leurs vécus à ce sujet.

De nombreux facteurs de risque

Selon plusieurs autres travaux publiés ces vingt dernières années, 10,8% des femmes ont subi cette épreuve. Les fausses couches récurrentes sont, elles, nettement moins fréquentes : 1,9% des femmes en ont fait deux et 0,7% en ont fait trois. Certains facteurs sont associés à une augmentation du risque, comme l’âge de la mère. «Le risque est le plus faible chez les femmes âgées de 20 à 29 ans, à 12 %, passant à 65 % chez les femmes âgées de 45 ans et plus», est-il détaillé. Lorsque le père est âgé de plus de 40 ans, un risque accru bien que moindre est également relevé, cassant ainsi le mythe qu’un homme pourrait procréer jusqu’à un âge avancé sans conséquences quand les femmes verraient leur «date de péremption» arrêtée à 35 ans.

Anomalies chromosomiques chez le fœtus, antécédents de fausse couche, indice de masse corporelle très bas ou très élevé, consommation d’alcool, de tabac, stress persistant, travail de nuit ou exposition aux pesticides comme à la pollution de l’air sont aussi relevés comme des facteurs de risque.

«Manque d’empathie»

Directrice adjointe du Tommy’s National Centre for Miscarriage Research, organisme caritatif britannique initiateur du rapport, la Pr Siobhan Quenby de l’université de Warwick indique dans un communiqué du Lancet : «Bien qu’une fausse couche n’arrive la plupart du temps qu’une seule fois, une part significative de la population aura besoin de traitements et de soutien. Malgré cela, le silence autour des fausses couches persiste non seulement chez les femmes qui les vivent, mais aussi parmi les soignants, les décideurs politiques et les organisations de financement de la recherche.»

Elle relève que «de nombreuses femmes se plaignent du manque d’empathie avec lequel elles sont prises en charge après une fausse couche : certaines ne reçoivent aucune explication, et le seul conseil qu’on leur donne, c’est de réessayer.» Cassant le préjugé selon lequel ce serait un événement unique sans répercussions plus larges, l’éditorial ajoute que des fausses couches antérieures, en particulier quand elles sont récurrentes, sont associées «à un risque plus élevé d’accouchement prématuré, de retard de croissance fœtale et d’autres complications obstétricales lors des grossesses ultérieures». Une fausse couche est aussi «prédicateur de problèmes de santé à plus long terme, tels que les maladies cardiovasculaires et de thromboembolie veineuse» (caillot sanguin veineux).

Un suivi minimum harmonisé au niveau mondial

Les séquelles psychologiques, bien moins documentées, comprennent une augmentation du risque d’anxiété, de dépression, de trouble de stress post-traumatique et de suicide. Les auteurs des études recommandent un suivi minimum harmonisé au niveau mondial, comprenant notamment un soutien psy pour le couple ainsi que des conseils et soins préventifs avant des grossesses ultérieures.

Enfin, les soins pour celles ayant subi plusieurs fausses couches devraient être renforcés : à partir de trois, l’étude préconise le passage d’une batterie de tests, notamment génétiques, et d’une échographie pelvienne. Un modèle s’éloignant substantiellement «du système de soins fragmenté actuel, avec des obstacles à l’accès, et qui reflète mieux l’événement mental et physique important que représente une fausse couche pour de nombreuses personnes».


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