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jeudi 1 octobre 2020

Les autistes, cobayes malgré eux

Par Eric Favereau — 

Dans «le Livre noir de l’autisme», Olivia Cattan dénonce la multiplication d'essais de médicaments loufoques sur des enfants autistes.

Olivia Cattan aime parler, dénoncer. Cette journaliste et mère d’un enfant autiste se penche dans «le Livre noir de l’autisme» (1) sur les incroyables essais médicamenteux effectués en dehors de toute réglementation sur les autistes. Depuis des années, en toute impunité. «Comme si c’était normal que les autistes soient des cobayes», lâche-t-elle.

L’histoire n’est pas tout à fait nouvelle : il y a deux ans, Olivia Cattan s'était déjà inquiétée dans une tribune sur ces pratiques médicales ahurissantes. «Quand on a lancé l’alerte, on a vu beaucoup de monde, mais il ne s’est rien passé. C’est pour ça que j’ai repris ma casquette de journaliste, et que je me suis mise à collecter des infos.» Le résultat qu’elle publie dans son livre est ubuesque. «J’ai vu de tout, des prescriptions d’antibiotiques, j’ai des médecins qui proposaient un régime sans gluten, en passant par ceux qui préféraient donner des chélateurs de métaux lourds, ou la DHEA, le cannabidiol ou encore la détox au chlore… C’est du n’importe quoi. Mais ce sont des centaines de parents, des parents désespérés qui sont prêts à tout pour guérir l’autisme de leur enfant, déroule Olivia Cattan. Il y a une telle impasse thérapeutique autour de l’autisme, ils se sentent tellement abandonnés par la médecine conventionnelle qu’ils se jettent dans les bras de thérapeutes sans scrupule.»

Cures d’antibiotiques

Le professeur Luc Montagnier, prix Nobel de médecine pour avoir isolé le virus du sida, occupe une place à part dans cette galaxie de thérapeutes aux prescriptions douteuses. Il est l’origine de Chronimed, une association qui s’est interrogée sur d’hypothétiques causes infectieuses de l’autisme. Sur cette simple hypothèse, des centaines d’enfants ont subi des cures d’antibiotiques, aussi inutiles que dangereuses.

Tout cela est-il désormais organisé ? «On est face à des groupes, souvent repliés sur eux-mêmes, il y a des filières qui recrutent des parents, j’ai noté des réseaux de médecins et de pharmaciens "amis", raconte Olivia Cattan. A partir du moment où vous avez un grand professeur de médecine qui cautionne en signant une attestation expliquant qu’il est derrière le protocole, vous êtes impressionné et vous faites confiance.» Au final, quelque 3 000 enfants auraient été traités selon le protocole Chronimed mélange d’antibiotiques, d’anti-infectieux, d’antiparasitaires et d’autres médicaments hors autorisation de mise sur le marché (AMM) pris au long cours. «J’ai pu filmer un médecin qui prescrivait de la naltrexone, un traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie. C’est que chaque médecin y va de sa petite touche personnelle. Reste que je suis étonnée de voir que tout cela s’est développé depuis 2012, date de la présentation d’une étude controversée du professeur Montagnier devant l’Académie de médecine.»

«Prescriptions dangereuses»

Pour l’heure, ce qui est encore plus troublant, c’est la relative indifférence des pouvoirs publics, voire du milieu associatif en charge de l’autisme. «Les grandes associations laissent faire», lâche, en colère, Olivia Cattan. Comme si tout le monde y trouvait son compte. «Des psychiatres, comme la professeure Marion Leboyer, qui préside la fondation Fondamental, semblent s’en accommoder. Lors d’une audition au Sénat, elle a parlé d’une étude, expliquant qu’un millier d’enfants suivis par un généraliste ont été traités par des antibiotiques depuis plusieurs années.» Alors que la règle d’or en matière de médicaments est de ne jamais se servir d’essais non éthiques. Pour Olivia Cattan, «tout cela pointe un vrai problème politique. On sait bien que la prise en charge de l’autisme est catastrophique en France, il y a peut-être une culpabilité de ne pas avoir assez fait. Alors, on laisse faire». Du côté de la délégation ministérielle à l’autisme, on se défend d’avoir laissé les choses traîner. «Il y a près de deux ans, j’ai fait un signalement au directeur de cabinet d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, explique la déléguée, Claire Compagnon. Et on a transmis à l’ANSM [Agence nationale de sécurité des médicaments, ndlr].»

Depuis la sortie du livre, en tout cas, cela bouge. La semaine dernière, l’ANSM a annoncé avoir saisi le procureur de la République sur ces «prescriptions dangereuses». «Il y a une plainte conjointe de l’Agence et de nous, précise Olivia Cattan. Et le conseil de l’ordre des médecins nous a dit qu’il enquête.»

(1) Le Livre noir de l’autisme, d'Olivia Cattan. Ed. le Cherche Midi, 280 pages,


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