Étouffer la révolte raconte comment une révolution psychiatrique a eu des incidences politiques profondes. Jonathan Metzl a enquêté à Ionia, au Michigan : il s’est servi des archives d’un hôpital d’État pour étudier le profil des schizophrènes à travers le temps.
En 1948, Anatole Litvak portraiture un asile psychiatrique dans La Fosse aux serpents. On y suit les pérégrinations de Virginia, une romancière blanche vulnérable, passive et diminuée par des troubles mentaux qui la déconnecte de la réalité. L’intrigue du film concorde avec l’étude des fiches d’admission de l’hôpital d’Ionia : ce sont des femmes blanches, rurales et inoffensives qui forment le gros de la patientèle schizophrène de l’établissement. Pourtant, au tournant des années 1950-1960, la schizophrénie va devenir le fait d’hommes noirs, urbains et décrits comme agressifs, dans un complet renversement des normes.
Entretemps, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) a été révisé. Et, c’est l’auteur qui le note, « le DSM-II opérait comme un texte implicitement raciste, reflétant le contexte social de ses origines d’une manière qui permettait à ses utilisateurs de pathologiser, consciemment ou non, la révolte comme une maladie mentale. » Nous sommes alors en plein mouvement pour les droits civiques et la nouvelle version du DSM atteste que la schizophrénie se caractérise notamment par l’hostilité et le refus de se plier à l’autorité. Les normes professionnelles de la psychiatrie ont changé et, dans les années 1960, de plus en plus de personnes atteintes de « trouble de la personnalité antisociale » se voient requalifiées en schizophrènes paranoïdes. Ce sont essentiellement des hommes Noirs qui s’opposent à l’establishment blanc.
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