Depuis la fin août, plusieurs centaines de personnes exilées se sont installées tout près de l’autoroute A1, dans des conditions de vie insalubres. Les associations réclament l’amélioration des conditions d’accueil.
Lorsque l’on quitte Paris par l’autoroute A1 en direction du nord de la France, il faut rouler quelques centaines de mètres pour apercevoir les premières tentes. En contrebas, sous un pont, des migrants se sont installés là à la fin du mois d’août, tout près de la voie express et du Stade de France. Pour la plupart des Afghans, entre 400 et 800 selon les jours, qui dorment à même le sol dans des conditions insalubres.
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Au rythme où Paris et ses portes se gentrifient, ces exilés ont dû fuir la capitale où ils ne sont pas les bienvenus. «Certains n’y ont même plus accès, la police les contrôle systématiquement», assure une bénévole du collectif Solidarité migrants Wilson. Ces dernières années, plusieurs de ces camps de fortune ont vu le jour, d’abord à Stalingrad, puis à la porte de la Chapelle et plus récemment à la porte d’Aubervilliers. A chaque fois, ils ont fini par être évacués un matin à l’aube par un important dispositif policier. Résultat : ils installent leurs tentes quelques kilomètres plus loin, toujours plus loin de la capitale. «On ne fait que repousser le problème, on ne le résout pas», regrettent de concert les associations présentes sur place. Cette fois, ce sont les abords de l’autoroute du Nord qui ont été choisis, jusqu’à la prochaine évacuation. Sur un arbre, au milieu du camp, un papier à moitié déchiré de la mairie de Saint-Denis fait déjà office d’avis d’expulsion.
«Avoir l’impression d’être propres»
Dans ce huis clos, comme dans les autres auparavant, il manque de tout ou presque. Il n’y a qu’un seul point d’eau, pas de toilettes, pas de nourriture non plus. Et dans les tentes, ni matelas ni couverture. «Vous imaginez quand le camp se réveille et que tout le monde a envie d’aller aux toilettes ? C’est ça le plus dur», assure Nasser, un Afghan de 31 ans.«Venez dormir ici une nuit et vous finirez complètement fou», abonde un autre homme. Quand il fait très chaud, comme ces derniers jours, certains se lavent directement dans le canal Saint-Denis tout proche, en attendant que les associations viennent subvenir à leurs besoins primaires.
Cet après-midi, les membres de l’association Utopia56 sont venus apporter des kits d’hygiène et quelques vêtements. Chacun se met spontanément à la file et fait son petit marché. On y cherche un tee-shirt à sa taille ou un pull pour passer la nuit quand il fait plus frais. Ismaël, un Afghan de 25 ans, en ressort une paire de chaussettes à la main. «C’est mieux que rien quand on n’a pas de douche», reconnaît-il. La distribution faite, tous s’empressent de se changer «pour avoir l’impression d’être propres», confie le demandeur d’asile. Après avoir traversé l’Europe à pied, seize jours entre la Bosnie et l’Italie durant lesquels il dit avoir été arrêté 20 fois par la police aux frontières, puis huit nouveaux jours de marche pour rejoindre la France, Ismaël espérait pouvoir se reposer. C’est peine perdue : «Entre les bagarres, la circulation et la police, la nuit n’est pas calme ici.»
«Le numéro sonne occupé dès le matin»
«La police intervient de manière quasi quotidienne sur le campement, généralement de manière violente», décrit de son côté le collectif Solidarité migrants Wilson. Mujeeb, un Afghan de 26 ans, dit même avoir été interpellé et battu par les forces de l’ordre après une rixe au sein du camp. «Quand ils sont intervenus, ils ont pointé une bière et m’ont dit que je leur avais lancé dessus. Ils m’ont arrêté, mis en garde à vue et accusé d’outrage à agent. Je leur ai répondu que je n’avais rien fait et qu’ils n’avaient qu’à prendre mes empreintes, mais je dois quand même passer au tribunal dans six mois», explique le jeune homme.
Selon le compte rendu de plusieurs associations, les pressions policières ont atteint leur paroxysme au matin du 16 août dernier, quand des grenades lacrymogènes auraient été lancées directement sur des tentes. Compte tenu du contexte toujours plus électrique, elles ont écrit des courriers aux maires de Paris et Saint-Denis pour demander qu’une solution pérenne soit trouvée. Interrogés par Libération fin août, les services de la municipalité de Saint-Denis se sont dits préoccupés par «les conditions de vie très dégradées et précaires» et «par la localisation très dangereuse de ce campement, en bordure d’une bretelle d’autoroute». Ils ont assuré que des réunions devraient avoir lieu.
En attendant de voir leur situation s’améliorer, les migrants passent le temps. Tout près d’une armoire électrique, un petit groupe s’est formé. Ils ont trouvé le moyen d’y raccorder des multiprises qui chargent leurs téléphones. Personne ne parle, tout le monde a le nez collé aux engins, seul moyen de rester en contact avec les proches et de se raccrocher un peu à ce qu’il se passe en dehors des limites du camp. Ils tentent aussi d’obtenir un rendez-vous auprès de l’OFII (1) qui coordonne le dispositif national d’accueil et les demandes d’asile, mais «le numéro sonne occupé dès le matin», expliquent-ils. Dans le groupe, certains d’entre eux n’ont pas quitté le camp depuis plusieurs jours, de peur de se faire arrêter. Les passeurs les ont déposés là, sans qu’ils sachent même où ils se trouvaient exactement. A quelques mètres d’eux, la station de métro «Porte de Paris» a pourtant tout l’air d’une promesse.
(1) Office français de l’immigration et de l’intégration
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