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mardi 18 août 2020

Guillaume Lelong, psychologue clinicien, écrit une lettre au ministre de la Santé, concernant le statut de son métier menacé par le Ségur de la Santé qui vient de se dérouler.

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Guillaume Lelong   Psychologue clinicien


Monsieur le ministre des Solidarités et de la Santé,
Je vous adresse cette lettre ouverte suite aux conclusions préliminaires issues du Ségur de la Santé, lesquelles questionnent le statut de la profession de "psychologue clinicien".
Ma profession de psychologue clinicien, laquelle est en réalité plutôt méconnue, est fort mal représentée si ce n’est par des poncifs parfois fantasques que vous avez sans doute à l’esprit comme tout un chacun. Je souhaite interroger la dynamique à l’œuvre depuis un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), lequel a été rédigé sans qu’aucun psychologue ne soit convié à la table des discussions. Il en fut évidemment de même pour le Ségur de la Santé où Nicole Notat a préconisé des mesures concernant notre métier sans que sa légitimité en Sciences humaines et sociales (SHS) soit, me semble-t-il, établie.

UNE PROFESSION MÉCONNUE

Le psychologue clinicien est un professionnel qui a validé un master 2 en psychologie, soit un bac +5. A ceci s’ajoute une conditionnalité dans le choix du master et des stages car tout psychologue en titre n’a pas vocation à être au chevet du patient. Bon nombre des facultés ont considéré que la maitrise devait être faite en deux ans en raison des objectifs professionnels à atteindre. Ceci prolonge donc à 6 ans la durée des études, comme pour certaines professions médicales.
En licence 1, les universités ont souvent plus de 1000 étudiants. En général, ces mêmes universités n’ont que deux ou trois Masters professionnalisants qui destine l’étudiant vers la voie psychopathologie, développementale ou neuropsychologique. Sur 1000 étudiants, seuls 60 à 90 seront des "cliniciens" au sens très large du terme. Il y a donc une sélection réelle et exigeante dont le numerus clausus n’est pas sans rappeler le concours de première année en médecine à la différence près que le couperet n’est pas à l’entrée du parcours mais en cours d’un cursus déjà bien entamé.
Cette formation recouvre moult domaines et n’est pas essentiellement littéraire. Le psychologue est formé à la rigueur de la démarche scientifique qui doit être aussi rompu aux statistiques pour s’appuyer sur les publications qui jalonnent les recherches, notamment en sciences cognitives et en neurosciences (neuroanatomie et imagerie, neurophysiologie, pharmacologie, neuropsychologie…). Il est tout aussi formé à la psychopathologie et la démarche diagnostique, qu’à la rigoureuse pratique du bilan. Il est formé à la psychologie sociale et à la psychologie du développement pour saisir le sujet au contact des groupes sociaux et dans le temps. Enfin, il est aussi formé à l’épistémologie, à l’anthropologie, à la philosophie car "sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme" comme le scandait Rabelais. Ainsi le psychologue est-il garant de l’intégrité du Sujet dans un parcours de soin où le focus se concentre toujours un peu plus sur l’organe et l’organique. Le psychologue est le trait d’union entre le monde médico-scientifique et le patient.
En institution, le psychologue clinicien est très souvent un cadre A, un cadre statutaire. Ainsi le psychologue clinicien ne saurait être sous l’autorité du Cadre de Santé avec lequel il collabore. Il n’est pas d’avantage sous l’autorité du médecin dont il est un des partenaires. Le psychologue dépend directement de la Direction des établissements. Cette autonomie du psychologue est garante d’une posture essentielle à son travail, d’être à la croisée de multiples champs expérientiels, et être vecteur du discours du patient sans subordonner le patient à sa propre subordination professionnelle. Cette place du psychologue, plutôt atypique, est aussi ce qui l’émancipe de la médecine (il n’est pas un paramédical), et aussi de la philosophie (laquelle n’est pas une science). C’est un professionnel des SHS qui exerce très souvent dans le domaine de la santé.
Le psychologue clinicien est un acteur essentiel du parcours de soins pour de nombreux patients
Nonobstant, le psychologue est reconnu comme étant un acteur de soins sans être une profession de santé. Il doit avoir un numéro ADELI à l’ARS mais a un numéro APE très vague qui ne le différencie pas des soi-disant "psy", sans diplôme, se targuant de prodiguer des soins psychiques (psychopraticiens, hypnopraticiens, philopsychologues, psychomagnétiseurs, énergéticiens, coachs, dispensateurs de poudre de perlimpinpin et j’en passe…).
Le psychologue clinicien est un acteur essentiel du parcours de soins pour de nombreux patients. Sans psychologue, la question diagnostic demeure floue. Or dans de très nombreuses problématiques il est le seul à être formé et habilité à la passation de certains tests, lesquels sont essentiels aux équipes soignantes, y compris au médecin, ainsi qu’aux patients pour obtenir les aides nécessaires.
Sans psychologue, pas de psychothérapie maîtrisée autre que sauvage. Oh, je sais que pour rationaliser les coûts, moult Centres Médico-Psychologiques (CMP) délèguent cette tâche d’apparence peu exigeante à des infirmiers. C’est une erreur. Les infirmiers en psychiatrie ont bien sûr toute leur place dans le parcours de soins psychiques (ateliers thérapeutiques supervisés, temps informels du quotidien et échanges humains, soins infirmiers, dispensation médicamenteuse…) mais ils n’ont pas la formation en psychopathologie présumant d’une compétence à se faire psychothérapeutes.

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