En visite surprise à Toulon mardi, le chef de l’Etat a annoncé son soutien aux 326 000 auxiliaires de vie et compte débloquer une enveloppe de 80 millions d’euros aux départements.
Ce doit être le grand chantier social de la fin du quinquennat. Celui dont Emmanuel Macron veut faire un marqueur de son mandat. Mardi 4 août, le chef de l’Etat était à Toulon, à 40 kilomètres de son lieu de villégiature estival du fort de Brégançon (Var), où il s’est retiré le 29 juillet, pour évoquer le sujet de la dépendance. Un serpent de mer qui a traversé les présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande sans trouver de réelle traduction, et n’a cessé d’être reporté à plus tard depuis l’arrivée de M. Macron à l’Elysée, en 2017.
Mais, alors que le principe de la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à la perte d’autonomie a été définitivement adopté par le Parlement, le 23 juillet, le président de la République entend démontrer, cette fois, sa volonté d’aller au bout de ce dossier.
Dans un contexte tendu sur le front de l’épidémie de Covid-19, qui voit pour la première fois depuis avril une augmentation – minime – du nombre de patients hospitalisés en réanimation, ce déplacement surprise dans la cité varoise visait d’abord à assurer une forme de prévention vis-à-vis des personnes âgées. M. Macron a notamment rendu visite à une octogénaire qui vit seule dans son appartement, et rencontrer son auxiliaire de vie ainsi que ses enfants.
« Il faut attirer l’attention sur la nécessité de conserver les gestes barrières pour ces personnes, y compris lorsqu’elles sont chez elles, quand elles reçoivent par exemple leurs petits-enfants », explique-t-on à l’Elysée, où l’on relève une augmentation du nombre de cas positifs chez les plus jeunes, qui pourraient transmettre le virus à leurs aînés. « La période est dangereuse », estime-t-on dans l’entourage de M. Macron, d’autant plus que la France est frappée par « une situation de quasi-canicule ».
Mille euros de prime par personne
Mais l’enjeu de ce déplacement résidait avant tout dans une volonté de braquer les projecteurs sur le rôle des aides à domicile durant la période du confinement. 326 000 personnes – à 97 % des femmes – travaillent dans ce secteur qui vise à accompagner près de 800 000 seniors et 300 000 personnes en situation de handicap. « Ces professionnels du domicile sont un peu passés sous les radars. Le président voulait leur rendre hommage », souligne-t-on à l’Elysée. D’autant plus que ces travailleurs souffrent grandement de la précarité, à commencer par le temps partiel subi.
Le chef de l’Etat a annoncé, aux côtés de la ministre déléguée à l’autonomie, Brigitte Bourguignon, et de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, l’attribution d’une enveloppe de 80 millions d’euros aux départements afin que ces derniers puissent assurer le versement d’une « prime Covid » à ces auxiliaires de vie, placés sous leur tutelle. Les départements contribueront également à hauteur de 80 millions d’euros, ce qui porte l’effort à 160 millions d’euros au total. L’aboutissement de plusieurs mois de discussions entre l’Etat et les représentants des conseils départementaux.
Le versement de cette prime, promise en avril par Edouard Philippe, alors premier ministre, achoppait dans deux tiers des départements en raison, arguaient ces derniers, de manques de financement. « L’enveloppe aujourd’hui débloquée devrait permettre de pouvoir payer 1 000 euros de prime par personne, au prorata du temps de travail », estime-t-on dans l’entourage du président. Il faudra néanmoins attendre la rentrée, et les premières réunions des conseils départementaux, pour que des délibérations soient prises, aboutissant au versement réel de cette prime.
« Revalorisation des métiers »
Le chef de l’Etat, enfin, a annoncé son intention d’aller « encore plus loin » pour la « revalorisation des métiers du domicile », sujet qui a fait l’objet d’un rapport rendu en octobre 2019 par l’ancienne ministre du travail, Myriam El Khomri. « Il y a un paradoxe à laisser un manque d’attractivité s’installer sur ces métiers alors qu’un mur démographique se trouve face à nous, indique-t-on à l’Elysée. Il faut renforcer l’accompagnement au domicile, avec comme levier la revalorisation financière, mais aussi la revalorisation des métiers. Repenser des passerelles entre les métiers du soin, ainsi que les conditions d’exercice de ces métiers. »
Si les annonces concrètes sont renvoyées à la concertation – Brigitte Bourguignon doit organiser à la rentrée un « Laroque de l’autonomie », du nom de Pierre Laroque, le père de la Sécurité sociale –, Emmanuel Macron veut convaincre de son ambition en la matière en insistant sur la nécessité de travailler à la « transition démographique ». Une expression inspirée de la transition écologique, que les acteurs du secteur de la dépendance cherchent à promouvoir de longue date.
Lors de son déplacement toulonnais, le président de la République a donc réaffirmé son souhait de voir aboutir un projet de loi sur la dépendance d’ici à la fin de son quinquennat. L’Elysée évoque une présentation en conseil des ministres « pour la fin de l’année ». En juin 2018, M. Macron avait déjà promis qu’il serait sur les rails pour « début 2019 »… Puis la crise due au Covid-19 a décalé l’ambition affirmée par Edouard Philippe de le dévoiler au plus tard en juillet 2020.
En attendant la présentation du texte, un rapport de Laurent Vachey, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), est attendu pour le mois de septembre. Il doit permettre de délimiter le périmètre de cette cinquième branche de la Sécurité sociale, d’en définir la gouvernance, mais aussi son mode de financement. Le ministre de la santé, Olivier Véran, a d’ores et déjà promis qu’« un milliard d’euros de plus » seraient consacrés à cette branche à l’automne dans le cadre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale.
Reste un dernier sujet sur lequel M. Macron s’est engagé mardi : le versement d’un congé indemnisé de trois mois pour les proches aidants. Annoncée en octobre 2019, cette mesure n’a toujours pas été traduite concrètement, aucun décret n’ayant été signé depuis. Mme Bourguignon ambitionne d’y remédier dès septembre pour une application en octobre. Un calendrier confirmé par le chef de l’Etat.
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