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jeudi 20 août 2020

Éclairer l’enseignement de la psychiatrie à la lumière de son histoire

Publié le 14/08/2020



Évoquant « les dangers d’une compréhension limitée de l’histoire de la psychiatrie », The British Journal of Psychiatry propose un éditorial plaidant pour une meilleure inclusion de l’histoire de cette discipline dans la formation des nouveaux spécialistes.

Les auteurs estiment que les jeunes psychiatres sont « plus disposés à s’engager avec les questions historiques ou éthiques » quand elles sont présentées « dans le cadre d’une approche interdisciplinaire ». Intégrée à la reconnaissance des troubles cliniques, cette approche est qualifiée « d’humaniste » par les éditorialistes, ou plus précisément devrait s’apparenter à l’enseignement d’une « humanité médicale » (medical humanities).

Les auteurs évoquent la conception du Pr Robert Houston[1] selon laquelle deux écueils opposés menacent une perspective historique en psychiatrie : le risque de « passéisme positif » accréditant (de manière fallacieuse) un âge d’or où « tout aurait été bon », dans le sillage du « traitement moral holistique des asiles du début du 18ème siècle » où la médecine (moins technicienne) se rattachait encore aux sciences humaines ; et à l’inverse le risque de « passéisme négatif » accréditant au contraire l’idée (tout aussi fausse) que, dans le passé de la psychiatrie, « tout aurait été mauvais, bizarre, confus, non scientifique et ne s’appuyant sur aucune preuve, même en accord avec la science de l’époque ».

« Nos pratiques actuelles seront jugées dans les livres d’histoire de demain »

Ces généralisations abusives (glorifiant ou condamnant sans appel une vision passéiste de la discipline) « ne rendent pas justice à l’histoire de la psychiatrie ». Rappelant un exemple édifiant, la demande de débaptiser le « syndrome d’Asperger » (car des recherches récentes [2] ont montré que le pédiatre éponyme Hans Asperger fut « directement impliqué dans le programme d’euthanasie développé par le régime nazi pour mettre fin à une vie indigne »), les auteurs s’interrogent : « Comment aurions-nous réagi dans la situation d’Asperger, et comment pourrions-nous réagir face à un régime idéologiquement puissant mais abusif ? ».

Cet exemple historique devrait « fournir l’opportunité d’une réflexion sur le sens » du métier médical et justifie la conclusion des auteurs : « Nos pratiques actuelles seront jugées dans les livres d’histoire de demain ».

[1] Houston R. Past and ‘pastism’ in the history of psychiatry. Lancet Psychiatry. 2019; 6: 206–8.
[2] Edith Sheffer : Les Enfants d’Asperger. Le dossier noir des origines de l’autisme (Asperger’s Children. The Origins of Autism in Nazi Vienna) Flammarion, 2019, pour la traduction française.

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Graham Ash et coll. : History of psychiatry in the curriculum? History is part of life and life is part of history: why psychiatrists need to understand it better. Br J Psychiatry, 2020; 216: 1-2. doi: 10.1192/bjp.2020.64
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