A quelques jours de la rentrée, les pédiatres sont inquiets en raison de la « persistance de la circulation du virus en France accompagnée, ces dernières semaines, d’une augmentation significative du nombre de cas dans certaines régions », et appellent à des mesures plus claires. « Le risque de survenue de contamination par le SARS-CoV-2, aussi bien chez les enfants que chez les adultes qui les encadrent, est réel », avertissent, dans une lettre ouverte diffusée mercredi 19 août, sept sociétés savantes de pédiatrie. « Nous ne pouvons que
nous montrer inquiets devant l’organisation de la rentrée telle qu’elle se profile, tant
sur le plan de la prévention que sur celui de la prise en charge des enfants. »
Les moins de 18 ans représentent, certes, moins de 5 % de l’ensemble des cas de Covid-19 rapportés dans le monde et ils ont majoritairement des formes peu graves ou asymptomatiques, selon l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SPF). « Les enfants de moins de 10 ans sont moins souvent contaminés par ce virus et moins contaminants que les adultes », constate ainsi le professeur Robert Cohen, pédiatre infectiologue à l’hôpital intercommunal de Créteil et vice-président de la Société française de pédiatrie. « Mais il faut absolument éviter de dire qu’ils ne sont pas contaminateurs », prévient-il.
Dans ce courrier, les pédiatres appellent aussi à ne pas tester « systématiquement » les enfants avec les tests PCR devant des épisodes de fièvre, de toux ou de diarrhée. « Ces tests actuels nasopharyngés, outre leur aspect désagréable, ont un rendement modeste – car le taux de positivité est faible chez l’enfant –, un coût certain et nous exposent à des refus des enfants et/ou des parents, et le délai peut aller jusqu’à plusieurs jours [pour la réalisation du test et pour l’obtention des résultats]», estiment-ils. « Le poids sanitaire de cette rentrée va dépendre des mesures appliquées face au nombre élevé de situations de suspicion de la maladie en raison de symptômes très peu spécifiques, la plupart du temps engendrés par d’autres agents pathogènes viraux ou bactériens », poursuivent les pédiatres. Ils demandent donc des tests moins invasifs, plus rapides, comme les tests salivaires, « l’objectif devant être plus d’évaluer le risque de contagiosité que d’éliminer le diagnostic de Covid-19 ».
« Nous sommes très inquiets »
Les demandes de tests sont d’autant plus pressantes que les épisodes viraux hivernaux, fièvre, toux, rhume, diarrhée… sont fréquents. Certes, ces virus saisonniers habituels devraient être freinés par les mesures d’hygiène et les gestes barrières mais ils ne devraient pas disparaître, a fortiori au sein des collectivités d’enfants. Or, il est difficile de distinguer des symptômes de grippe, de gastro-entérite de ceux du Covid-19, très variés. « Pour la majorité des infections virales, on dit aux parents, c’est viral », explique Elise Launay, professeure de pédiatrie au CHU de Nantes et présidente du Groupe de pédiatrie générale sociale et environnementale.
Toujours afin d’éviter de tester les enfants dès qu’ils sont malades, les pédiatres préconisent, à l’instar de l’Académie de médecine, que le vaccin de la grippe soit élargi et que celui contre le rotavirus, agent numéro un de la gastro-entérite de l’enfant, soit recommandé et remboursé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
« Nous sommes très inquiets, car nous avons chaque année en pédiatrie les épidémies de grippe, de gastro-entérite et de bronchiolite », insiste le professeur Cohen. « Une vaccination contre la grippe élargie réduirait une partie des consultations pour syndromes respiratoires aigus », estime le professeur Alexandre Belot, rhumato-pédiatre à l’Hôpital femme mère enfant de Lyon. L’Académie de médecine avait déjà recommandé en mai l’élargissement de la vaccination contre la grippe, notamment « pour sensibiliser la population aux risques d’une co-épidémie ».
L’académie a appelé en juillet à « généraliser la vaccination contre le rotavirus des petits nourrissons », proposition reprise par les pédiatres. Chez les nourrissons, 430 000 épisodes de gastro-entérite aiguë sont recensés chaque année, dont 14 000 hospitalisations et une dizaine de décès, rappellent les académiciens. Or, « 15 % à 30 % des enfants hospitalisés ou vus en consultation pour Covid-19 ont des signes digestifs, dont la diarrhée, ce qui rend très difficile le diagnostic différentiel avec les gastro-entérites à rotavirus », alertent les pédiatres. « Il faut réduire ces maladies pour réduire les opportunités de diagnostic », répète Robert Cohen.
Pour des règles plus claires
La question de savoir si les enfants sont moins contaminants est également urgente à quelques jours de la réouverture des classes. En France, 492 enfants de moins de 9 ans ont été testés positifs au SARS-CoV-2, et 1 255 chez les 10-19 ans, pour la semaine du 10 août ; des chiffres en augmentation depuis la mi-mai, selon les données de SPF, avec un taux de positivité respectivement de 2,1 % et 2,3 %.
Pour Alexandre Belot, « les données en population sont plutôt rassurantes : il n’y a eu aucun cluster de crèche ou d’école des enfants de soignants pendant le confinement. De plus, l’étude de l’Institut Pasteur menée à Crépy-en-Valois [Oise], l’un des premiers foyers de l’épidémie, montrait que les plus jeunes étaient peu contagieux, mais il faut rester humble face aux données ». De nombreuses autres études indiquent que les enfants transmettent moins le virus.
En revanche, le rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) sur le rôle des enfants et du milieu scolaire dans la transmission du Covid-19, publié le 6 août, repris par SPF, indique que « les enfants qui présentent des symptômes excrètent la même quantité de virus que les adultes et sont donc contaminants comme le sont les adultes. Mais le caractère infectieux des enfants asymptomatiques est inconnu ». « Les investigations des cas en milieu scolaire suggèrent que la transmission d’enfant à enfant en milieu scolaire est rare », ajoute également ce rapport. Le débat n’est pas tranché.
Enfin, les pédiatres souhaitent aussi des règles plus claires en cas de suspicion de cas de Covid-19 en collectivité. « A ce jour, les remontées que nous avons sont pour le moins anarchiques : des écoles ou des crèches ont été fermées parfois en raison de la présence d’une seule personne présentant une PCR positive, voire une sérologie positive sans PCR et avant toute enquête », regrettent les praticiens dans cette lettre. Rappelons-le, alerte Elise Launay, « fermer les écoles a des conséquences fortement délétères pour les enfants et leurs apprentissages, avec un impact sur leur bien-être et leur santé ».
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