Dans l'Ehpad, à Livry-Gargan, près de Paris, le 22 avril. Photo Benoît Tessier. Reuters
Face à la crise du Covid-19, l’exécutif relance le chantier de l’aide à la dépendance, mais le projet est déjà critiqué par les syndicats et l’opposition.
L’autonomie, grande cause de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron ? Jusqu’à présent, la création d’une branche de la Sécurité sociale spécifiquement consacrée à la protection des personnes dépendantes en raison de leur âge ou d’un handicap appartenait à la grande famille des promesses que l’on se refile de président de la République en président de la République. Dès l’année de son élection, en 2007, Nicolas Sarkozy fut le premier à la formuler, tout en laissant planer ensuite le doute sur ses intentions réelles. A sa suite, François Hollande reprenait l’idée, sans la concrétiser davantage. Quant à Emmanuel Macron, il a longtemps promis une vaste réforme «grand âge et autonomie», qui n’a jamais vu le jour. Mais voilà que tout s’accélère à la faveur de la crise du nouveau coronavirus, qui a remis en lumière les faiblesses du système de protection des personnes les plus fragiles, qu’elles soient prises en charge à domicile ou en établissement spécialisé.
Accélération des députés
Un article du projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie, qui entre en discussion ce lundi à l’Assemblée nationale, prévoit explicitement la remise d’un rapport du gouvernement en septembre sur «les modalités de mise en œuvre d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à la prise en charge». Soit une accélération, voulue par les députés de la majorité qui ont adopté un amendement en ce sens, par rapport à ce que le gouvernement envisageait initialement - à savoir la remise d’un rapport sur la seule idée d’une nouvelle branche. Créer cette cinquième branche, «cela veut dire que l’on crée le risque qui va avec», justifie le député LREM Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi, qui explique : «Une branche est dotée d’un solde, avec des dépenses et des recettes. Cela permet d’avoir chaque année, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), un suivi bien précis.» Problème : en l’état du texte, le financement justement demeure un vaste chantier.
Or, selon le rapport Libault remis l’année dernière au ministère de la Santé, les besoins supplémentaires pour l’autonomie du grand âge pourraient passer de 4,1 milliards d’euros annuels aujourd’hui à 6,2 milliards d’euros en 2024 et 9,2 milliards d’euros en 2030. Et encore ne parle-t-il pas du handicap ! Mais tout de même, la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Marie-Anne Montchamp, discerne là une première opportunité : celle d’une meilleure allocation des sommes déjà consacrées à l’autonomie. « Rendre la ressource existante vraiment efficace, c’est ça le défi. Mettre de l’argent en plus sur un mauvais modèle, ça n’a jamais fait une bonne politique», avance-t-elle. S’agissant de «l’argent en plus», le gouvernement a seulement prévu à ce stade 2,3 milliards d’euros par an, issus de la CSG, à partir de 2024. Car dans le même temps, son projet de loi prévoit un transfert de dette de 136 milliards d’euros, dont une partie significative est due aux dépenses engagées dans la lutte contre le Covid-19, vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Cette dernière vivra donc au-delà de 2024, année où elle était supposée s’éteindre. De quoi déjà agacer une partie des syndicats. «On fait payer la crise aux salariés et aux retraités, et comme toujours les entreprises s’en sortent bien», critique Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT.
«Effet d’annonce»
Cette dernière, tout comme FO, défend l’idée que l’autonomie soit intégrée à la branche maladie. Elles sont rejointes par le député PCF Pierre Darrhéville, qui s’est élevé contre l’amendement de Thomas Mesnier en commission spéciale. «A nos yeux, un certain nombre de dépenses d’aide à l’autonomie doivent relever de l’assurance maladie, de la santé, c’est-à-dire d’un état de complet bien-être, explique-t-il. Si on décide de sortir ces dépenses pour les mettre dans une branche autonomie, comment on va les déterminer ? Est-ce qu’on va continuer à les financer de la même façon ? Au même niveau ?»
Il n’est pas le seul dans l’opposition à estimer que le projet soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. « Avec LREM, à chaque fois qu’ils font quelque chose, il faudrait s’émerveiller comme si c’était la nuit du 4 août 1789, raille le député PS Boris Vallaud. Dire qu’on va prendre à bras-le-corps cette question d’autonomie, tant mieux, mais il faudrait qu’on sache ce qu’ils mettent derrière, ce que ça recouvre en matière de politiques publiques. La question du reste à charge, par exemple, est cruciale. Pour l’instant, c’est un effet d’annonce.»
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