Les candidatures aux masters de santé publique connaissent une forte hausse. Ces cursus mènent à divers métiers dans le secteur public ou privé mis en lumière par la crise du Covid-19, comme la direction d’hôpital ou d’Ehpad.
En pleine crise sanitaire, Quentin, étudiant en master en « management des organisations médicales » à l’université de Bordeaux, était en stage à la direction d’un Ehpad. Un baptême du feu « hyper formateur », confie-t-il, au téléphone. « Cela nous a donné l’occasion d’appliquer de nouvelles formes de management, plus participatives. » Quentin aimerait poursuivre dans cette voie : la crise a renforcé ses convictions et son sentiment d’être « utile pour la société ».
Pour devenir directeur d’hôpital ou d’établissement sanitaire sociaux et médico-sociaux dans le secteur public (Ehpad, foyer de protection de l’enfance, etc.), il faut passer un concours de la fonction publique hospitalière, et suivre une formation de deux ans à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP).
Profil hétérogène
Basée à Rennes, cette école propose aussi des masters accessibles sur dossier, qui permettent de travailler dans les structures publiques, privées et dans le milieu associatif, que cela soit dans le domaine de la gestion d’établissement ou bien dans celui de la prévention, du suivi sanitaire de la population… Plusieurs universités, comme celles de Bordeaux, proposent également ce type de masters.
Au programme de ces formations : épidémiologie, démographie, sociologie, bio statistique, économie de la santé… Le profil des étudiants est hétérogène. Des diplômés en soins infirmiers côtoient des étudiants issus de licences en sciences politiques, en économie ou en droit.
« Cette crise est une prise de conscience de l’importance des politiques et des études de santé publique ». Lucie, étudiante à l’EHESP
« Il y a quelques mois quand je disais ce que j’étudiais, personne ne comprenait. Aujourd’hui, c’est moins flou », explique Lucie, en master à l’EHESP, actuellement en stage au service juridique d’un hôpital militaire.
Car si la crise liée au Covid-19 a mis en lumière les métiers du soin, elle a aussi révélé l’importance des métiers de gestion et de coordination au sein des hôpitaux, maisons de retraite, agences régionales de la santé… Le grand public s’est approprié des concepts – comme celui de cluster – qui jusqu’alors étaient réservés aux cours d’épidémiologie. « Cette crise est une prise de conscience de l’importance des politiques et des études de santé publique », ajoute Lucie.
Un nouvel engouement
Les effets de ce coup de projecteur sur ces métiers se sont concrétisés rapidement : ils attirent de plus en plus de jeunes et de professionnels en reconversion. En plein confinement, au master management des établissements de l’IAE Gustave-Eiffel, à l’université Paris-Est, à Créteil, a reçu 300 candidatures alors qu’en temps normal celles-ci tournent autour de 60 – une hausse attribuable également à une simplification de la procédure d’admission, reconnait le coresponsable du master, Mathias Béjean. « Beaucoup de candidats nous disent dans leur dossier que cette crise a été un électrochoc pour eux », témoigne-t-il. Même constat à l’université de Bordeaux, où les candidatures pour le master santé publique sont passées de 591 en 2019 à 710 cette année (+20%).
Sciences Po Lille et l’Edhec ouvrent un master « management de l’action publique »
A l’EHESP, les candidatures pour le master « santé publique », accessible sur dossier, ont augmenté de 52 % en trois ans. La campagne de recrutement de cette année confirme cette hausse pour la rentrée. Pour Alessia Lefébure, directrice des études et sociologue, cette attractivité reflète la « quête de sens » accrue de la nouvelle génération d’étudiants. D’après une enquête récente de la Conférence des grandes écoles, 53 % des étudiants interrogés (4 112 participants) estiment que l’utilité sociale est un « prérequis absolu » au travail.Certaines écoles misent sur les vocations impulsées par la crise pour inaugurer de nouvelles formations : Sciences Po Lille et l’Edhec ouvrent à la rentrée un master en « management de l’action publique » et l’EHESP va inaugurer un master en « gestion de crise et veille de sécurité sanitaire ».
Des formations repensées
Autre conséquence de cette crise : les formations en santé publique veulent réadapter leurs contenus. Au sein du master « management de la santé » de l’IAE Pau-Bayonne, on compte augmenter le volume horaire des cours en gestion de crise. Mais aussi renforcer les travaux de groupe, les exercices basés sur des cas réels et sur la pluridisciplinarité, en invitant dans les classes des patients et des étudiants en santé. Dans le master management des organisations médicales de l’université de Bordeaux, les cours d’« éthique managériale » interviendront plus tôt et seront plus conséquents, précise Elise Verpillot, responsable de formation.
« Les grandes réformes qui ont lieu entre 2003 et 2009 ont introduit à l’hôpital des outils tels que la tarification à l’activité, rappelle Jean-Paul Dumond, spécialiste en gestion de la santé, coresponsable du master de l’IAE Gustave-Eiffel. Les enseignements ont dû se concentrer sur le contrôle de gestion, de logistique et sur les systèmes d’information. Ces outils et ces cours ne vont sûrement pas disparaître, mais la crise provoquera une évolution certaine qui aura un impact sur les contenu des cours : meilleure gestion des crises sanitaires, valorisation des métiers de la santé, réajustement des politiques de santé publique… »
Dans ces réflexions, la nouvelle génération aurait son rôle à jouer selon Mathias Bejean, enseignant dans ce même master, qui estime que les étudiants de sa formation « ont une conception de la santé plus participative, moins productiviste et moins marchande que celle des générations précédentes ».
Les diplômés, en tout cas, sont bien armés pour s’insérer. Malgré la récession, la santé est l’un des domaines qui souffre le moins de la crise. A l’IAE Pau-Bayonne, les étudiants en recherche d’un apprentissage sont « très sollicités » par les entreprises de la région, tout comme à l’IAE Gustave-Eiffel où les jeunes sont démarchés de tous les côtés, en particulier par des institutions spécialisées dans les résidences pour seniors.
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