- Dans les années 2000, les grands Hôpitaux Psychiatriques de la Région Parisienne se modernisent, et décident de rapprocher leurs services des populations desservies. Ce faisant, ils désertent leurs sites historiques, datant de la fin du XIXème siècle, ils abandonnent leurs « pavillons » disséminés dans de vastes parcs paysagers, pour s’installer dans des immeubles beaucoup plus récents au cœur de la cité. Cette délocalisation entraîne le passage d’une architecture horizontale et aérée à une architecture verticale sans extérieur.À cela, se sont ajoutées les réformes hospitalières comme la loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires » (HPST, loi de 2009) ou la création à marche forcée des « Groupements Hospitaliers de Territoire » (GHT, loi de 2016) qui ont concentré la gestion et l’administration des établissements, en les éloignant de la réalité des services. Du coup, les nouveaux hôpitaux psychiatriques, dont le nombre de lits a été calculé au plus juste pour ne traiter que les crises aiguës, ne bénéficient d’aucune autonomie de gestion par rapport à leur Maison-Mère.À l’heure du confinement, ces immeubles de fous révèlent toute leur cruauté…Ce journal, tenu par une psychiatre des Hôpitaux, en est le témoignage.26/2Le Ministère de la Santé annonce le premier cas français mort du Covid 19 à la Pitié-Salpêtrière, professeur de collège dans l’Oise, âgé de 60 ans.11/3Retour dans le service de Mr V. absent depuis 8 jours. Alors que son périmètre d’errance ne dépasse jamais la Porte d’Orléans, il nous dit s’être perdu, et revenir de Creil dans l’Oise ! Affolement général, il est enfermé dans sa chambre, masqué quand il nous parle, et doit y prendre ses repas. Il sort juste ½ h pour fumer sa cigarette sur la terrasse. Il n’y a pas encore de test disponible dans l’hôpital, ni dans le labo d’analyses avec lequel on travaille habituellement. Mr V. ne peut être testé, on le confine pendant 8 jours, faute de test.12/3Le Président de la République s’adresse aux Français et leur annonce la fermeture des écoles pour 2 semaines. L’organisation des élections municipales est maintenue.14/3 minuitFermeture des cafés et des restaurants, des salles de spectacles, des cinémas...J -1Mr F., revenu de l’Hôpital Général voisin après une intervention sur l’œsophage, présente température et détresse respiratoire. Il est adressé en Réanimation, toute l’équipe est convaincue qu’il est notre premier patient Covid +.Où sont les masques ? les gants ? les produits de désinfection ? les embouts de thermomètres ?On interdit les visites des familles.Pendant ce temps-là, on vote pour les Municipales. La Maire d’une des 2 communes de notre secteur est réélue au premier tour avec 60% des voix. Dans l’autre commune, il faudra organiser un deuxième tour, l’opposition au Maire sortant est en tête, mais n’a plus de réserve de voix…J0On apprend que Mr F. a été testé négatif. Soulagement !On dit aussi que les masques sont inutiles, il faut se tenir à distance des uns des autres, et se disperser dans une grande pièce si on veut se réunir. On limite le nombre d’intervenants extérieurs dans le service. On supprime « les permissions ».Le soir, des tables supplémentaires sont livrées pour le repas. Certains se demandent si l’abandon du self n’a pas été décidé dans l’unique but d’alourdir la charge de travail des soignants du service. On transforme tout de même la salle de réunions en salle à manger. Il y aura 4 espaces différents dans le service pour que tous les patients prennent leurs repas en même temps en respectant la distance réglementaire (minimum 1 mètre). Ils éviteront ainsi les déplacements et les regroupements au self commun à tous les services. On sillonne le couloir dans les 2 sens…Le soir, le Président de la République s’adresse à nouveau à tous les Français, et déclare le pays en guerre contre le virus. L’arme du moment, c’est le confinement général.J1On réunit les patients en 3 petits groupes pour leur expliquer les nouvelles consignes : on ne descend plus au self pour les repas, on reste dans le service, on ne circule plus d’étage à étage, on ne se regroupe plus dans le patio (le seul espace extérieur dont on dispose, enserré entre de hauts murs, sans soleil ni vue sur le ciel. En général, les patients s’y retrouvent pour fumer). - on ne va plus en permission, on ne reçoit plus de visites de sa famille, on se confine… On ne se serre plus la main, on tousse dans son coude, on reste à distance les uns des autres. Mais on peut encore faire de la musculation par 3 ou 4 maximums avec l’équipe du CAPS (Centre d’ Activités Physiques et Sportives) qui a revêtu une blouse.
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jeudi 30 avril 2020
JOURNAL DE CONFINEMENT À L’HÔPITAL PSYCHIATRIQUE
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