Après une présentation en Conseil des ministres fin juillet, le projet de loi
arrivera au Parlement en septembre.Photo Christopher Anderson. Magnum
Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe a confirmé mercredi que la procréation médicalement assistée sera bientôt ouverte à l’ensemble des femmes. Mais certaines modalités, sur la filiation notamment, restent à trancher.
Vingt-cinq ans que le recours à la procréation médicalement assistée, la fameuse PMA, est réservé aux seuls couples hétérosexuels en mal d’enfants, laissant de côté les couples de femmes et les célibataires. Des années - en gros dix ans - que des forces de plus en plus nombreuses bataillent pour faire sauter ce verrou. Au nom de l’égalité des désirs d’enfants, que l’infertilité ou la difficulté à concevoir soit purement médicale ou sociétale. De reports (par l’actuel gouvernement) en espoirs déçus (François Hollande avait promis la PMA pour toutes avant de renoncer à la faire figurer dans la loi de 2013 avec le mariage homosexuel), l’épilogue approche. Le calendrier est fixé. Foi d’Edouard Philippe, dans son discours de politique générale mercredi : le projet de loi bioéthique qui doit ouvrir cette fameuse PMA à toutes sera présenté en Conseil des ministres le 26 juillet, puis débattu fin septembre au Parlement. Enfin ? Champagne ? Biberons et couches-culottes pour tous ? Doucement.
«Vigilance»
Si le principe est acquis, et ce n’est pas rien même si la Belgique, par exemple, a ouvert l’accès à la PMA à toutes les femmes dès 2007 (!) sans le moindre cri d’orfraie, restent des zones d’ombre. Ainsi, au sein de l’Association des parents gays et lesbiens (APGL), on salue cette accélération du calendrier d’un «soulagement». Avant d’ajouter le mot «vigilance». Questions : la PMA pour les couples de femmes et les célibataires sera-t-elle remboursée par la Sécu comme elle est prise en charge pour les couples hétérosexuels ? L’espoir est là. Sérieux. Mais le Premier ministre n’en a pipé mot.
Autre sujet d’inquiétude présent dans le milieu associatif (homo et hétéro), et c’est un gros morceau : comment la filiation entre les parents ayant eu recours à une PMA (précisément un don de sperme) va-t-elle être établie avec les enfants ainsi nés ? Quel statut pour celle qui n’a pas porté et accouché ? Jusque-là, la solution s’appelait adoption. Ce n’est plus l’option, tant la plupart des spécialistes du sujet considèrent qu’il s’agit là en fait d’un détournement de l’adoption. Alors quoi ? Trois propositions ont été formulées. Numéro 1 : comme pour les hétéros, les homosexuelles ayant le projet de recourir à un don passeraient devant un notaire ou un juge qui prendrait acte du projet parental. La compagne de la mère qui accouche serait reconnue mère via une «présomption de comaternité». A en croire les propos de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, jeudi sur France Inter, cette option est écartée.
Alors envoyez la suivante, défendue par le député LREM Jean-Louis Touraine : demander à tous les couples ayant opté pour une PMA avec donneur de reconnaître l’enfant devant un notaire, avant sa naissance. Ce document, à remettre lors de la déclaration de la naissance de l’enfant à la mairie, figurerait ensuite en marge de la copie intégrale de l’acte de naissance. Une révolution puisque les enfants nés de don auraient alors un mode de filiation à part et accès à d’éventuels secrets de «fabrication» les concernant.
Dernière option proposée par le Conseil d’Etat : créer un mode de filiation à destination des seuls couples de femmes. Avec une déclaration anticipée devant un notaire puis une inscription de celle-ci sur l’acte de naissance. Complexe ? Pour le moins. On ose à peine imaginer les futurs débats à l’Assemblée nationale. L’APGL et SOS Homophobie (mais aussi des associations de défense des personnes infertiles, comme BAMP) sont à l’affût : gare à toute stigmatisation des enfants nés de don, entre autres.
Respect
Autre dossier inflammable : la possibilité pour les enfants nés d’une PMA d’avoir accès à leurs origines. Question que le Premier ministre n’a pas abordée. Va-t-on vers la levée de l’anonymat des donneurs (édicté depuis 1973, de même que la gratuité des dons) offrant ainsi aux enfants la possibilité de contacter leur géniteur à la majorité ? Ou s’achemine-t-on vers un simple accès à des «informations» sur le donneur sans pour autant envoyer valser l’anonymat ? Voilà qui promet un sacré débat de fond.
Ces discussions seront-elles sereines, comme l’a souhaité le Premier ministre ? Le déferlement de haine homophobe qui a secoué la France lors des débats sur le mariage pour tous en 2012 et 2013 a laissé des cicatrices. A SOS Homophobie, Joël Deumier est déjà en alerte rouge : hors de question que le respect dû aux homos et aux célibataires ne soit pas… respecté. Mais même si des députés (à droite surtout) vont traîner les pieds, même si «la Manif pour tous» est déjà prête à refaire son grand numéro du «pas d’enfant sans père», la société, à en croire les sondages, est prête à faire le grand saut de la PMA pour toutes.
Six années se sont écoulées depuis l’adoption de la loi Taubira. Et on le redit, vingt-cinq ans depuis la première loi bioéthique qui, en 1994, avait cadenassé la PMA dans un strict schéma médical et un modèle papa-maman qui ne tient plus. Autre époque…
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