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mercredi 12 juin 2019

Hôpital : les urgences polytraumatisées

Par Eric Favereau, Photo Albert Facelly — 

Manifestation de personnel urgentiste près du ministère de la Santé à Paris, le 6 juin.
Manifestation de personnel urgentiste près du ministère de la Santé à Paris, le 6 juin. Photo Albert Facelly pour Libération



Face au manque criant de moyens, les urgentistes manifestent ce mardi et tentent de mobiliser le reste du personnel hospitalier. Ils dénoncent également les maigres annonces de la ministre de la Santé, alors que le Sénat adopte la loi santé 2022.

Ce n’est manifestement pas la fin des tourments à l’hôpital. Ce mardi, les fédérations santé des syndicats CGT, FO, SUD et CFE-CGC tentent d’élargir le conflit des services d’urgences à l’ensemble du personnel, en appelant à «une journée de mobilisation et de grève nationale»pour «élever le rapport de force» face à l’exécutif afin d’obtenir une hausse des effectifs et des salaires. Pari incertain tant le désabusement est général et les mobilisations intercatégorielles hasardeuses.

Reste qu’en annonçant jeudi - même sur un ton conciliant - une mission de «refondation» des services d’urgences, avec un soutien financier aux établissements connaissant des surcroîts d’activité, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, n’a pas convaincu. «Très insuffisant par rapport aux revendications des personnels», a réagi Hugo Huon, infirmier et membre du collectif Inter-urgences. «Je suis très déçu», a abondé Patrick Pelloux, emblématique président de l’Association des médecins urgentistes de France, pour qui «le gouvernement ne mesure pas l’ampleur de la contestation». Christophe Prudhomme, de la CGT urgences, a lui fustigé «une vaste blague. Créer une mission, c’est pour enterrer le problème».

«Moyens constants»

Au même moment est en train d’être adoptée au Sénat la loi santé 2022 qui doit réorganiser, entre autres, la médecine de ville pour lui permettre de mieux remplir son rôle et de ce fait d’assumer «les petites urgences», qui embolisent les hôpitaux. Mais l’exécutif a toujours un train de retard en matière de réforme de l’organisation de notre système de santé, réagissant ainsi tardivement aux crises des urgences. Près de 90 services sont en grève, renvoyant tous à des situations particulières. Là, dans l’Oise, c’est un établissement privé qui a débauché trois urgentistes, rendant la permanence des soins de l’hôpital public impossible. Ici, c’est un directeur d’hôpital, obsédé par le déficit de son établissement, qui refuse le moindre geste pour faire face à des arrêts de travail multiples aux urgences. Là, en banlieue nord de Paris, l’absence de médecine de ville ne laisse pas le choix, les patients ne peuvent se rendre qu’à l’hôpital.
Autre cas encore, à l’hôpital Saint-Louis à Paris : la création d’un miniservice pour hospitaliser les patients en situation d’urgence aiguë a absorbé du personnel sans contrepartie, et les urgences, qui tournaient bien, sont désormais à deux doigts de craquer. «On nous parle d’agressivité des patients, Chez nous, c’est plutôt de l’agressivité avec les médecins des autres services qui ne nous aident guère»,raconte un médecin des urgences. «De toute façon, on ne peut pas continuer à moyens constants avec une augmentation de 5 % des activités tous les ans», lâche un des dirigeants des Hôpitaux de Paris. Un haut fonctionnaire de l’Agence régionale de santé de l’Ile-de-France ajoute : «C’est comme un domino. Si vous fermez en Ile-de-France tel service d’urgence, par ricochet l’activité va basculer vers d’autres lieux. Et comme tout est à flux tendu, les services peuvent s’écraser les uns après les autres.» Dans le jargon, cela s’appelle une réaction systémique.
Dans ce contexte, Agnès Buzyn, qui avait su lors de la première année de son exercice ministériel réconcilier les pouvoirs publics avec le monde médical, a paru donner le sentiment de ne pas prendre la mesure du malaise. Lâchant parfois des propos maladroits à l’égard du personnel hospitalier. La tension reste vive, chargée de malentendus, de méfiance. Le climat est inflammable. D’autant qu’arrive l’été, avec les craintes d’une surchauffe incontrôlée des hôpitaux. «Imaginez dans ce contexte un épisode de canicule mal anticipé», alerte ainsi le Dr François Braun, président de Samu-urgences de France.

Nouveaux outils

L’adoption de la loi santé 2022 au Sénat ne changera pas la donne dans l’immédiat. La création d’hôpitaux de proximité et l’émergence de nouveaux outils pour organiser la médecine de ville, notamment, ont été présentées par le gouvernement comme indispensables pour asseoir une organisation cohérente de notre système de santé. Il y a peut-être urgence.

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