Selon des données récentes, l’activité physique professionnelle n’aurait pas des bénéfices aussi francs sur la santé que celle pratiquée en loisir.
En 2010, peu après la mort de ce pionnier − à 99 ans et demi −, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis des recommandations mondiales sur l’activité physique, pour tous les âges de la vie. Depuis les travaux de Jeremy Morris, de nombreuses publications ont confirmé et précisé les bienfaits de divers types d’AP, principalement dans le cadre des loisirs, sur le cœur et bien d’autres organes.
Mais quid des métiers physiquement actifs comme la construction, l’agriculture, la manutention, ou encore les soins aux personnes âgées ? Selon des données récentes, l’activité physique professionnelle (APP) n’aurait pas des bénéfices aussi francs sur la santé que celle de loisirs. Ainsi, une revue de la littérature (23 études prospectives) montre que contrairement à l’AP récréative, qui protège de l’infarctus du myocarde avec un « effet dose », l’APP est associée à un risque accru d’accident cardiaque, d’autant plus grand qu’elle est intense (Current Opinion in Cardiology, 2013).
Une méta-analyse plus récente de 17 études (incluant193 000 participants) retrouve, elle, un risque de mortalité prématurée augmenté de 18 % chez les hommes exerçant une profession avec un niveau élevé d’AP, par rapport à ceux exerçant un métier moins physique. L’association n’est pas observée chez les femmes, soulignent Pieter Coenen (université d’Amsterdam, Pays-Bas) et ses collègues (British Journal of Sports Medicine, mai 2018).
Elévation prolongée de la fréquence cardiaque
Dans leur éditorial paru quelques mois plus tôt dans la même revue, ces auteurs proposent six hypothèses pour expliquer ce paradoxe de l’activité physique. De fait, à y regarder de près, les caractéristiques des efforts physiques fournis par des manutentionnaires ou des agriculteurs sont bien différentes de celles d’un entraînement sportif, de déplacements actifs ou de loisirs dynamiques.
D’abord, l’APP est d’intensité trop faible et/ou trop continue pour améliorer les performances cardio-respiratoires et la santé cardiaque, l’idéal pour cela étant des efforts intenses et de courte durée, pointent les éditorialistes. Ensuite, contrairement à l’AP de loisirs, l’APP entraîne une élévation prolongée de la fréquence cardiaque, qui est un facteur de risque. Troisièmement, les métiers avec port de charges ou position statique augmentent la tension artérielle, également délétère quand elle est durable. De plus, en milieu professionnel, les efforts physiques sont souvent réalisés dans un cadre peu contrôlé, avec des temps de récupération insuffisants.
Au final, ces profils d’activité physique induisent une inflammation, qui favorise la formation de plaques d’athérome dans les artères et d’autres pathologies cardiaques. « Ces contraintes professionnelles sont d’autant plus délétères qu’elles sont souvent associées à un mode de vie à risque avec alimentation déséquilibrée, tabagisme et… sédentarité, ajoute le cardiologue du sport François Carré. La personne qui a un métier physique est souvent peu motivée pour bouger en dehors de son temps de travail, considérant qu’elle en a déjà assez fait dans la journée. »
Pour Pieter Coenen et ses collègues, les futures recommandations pour l’activité physique devraient distinguer cadre professionnel et de loisirs.
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