Selon un classement de l’association Formindep, les universités mettent trop lentement en œuvre la charte d’éthique adoptée il y a un an.
Des efforts, mais peut mieux faire. C’est en substance l’appréciation donnée à l’ensemble des trente-sept facultés de médecine en matière de prévention des conflits d’intérêts par l’association pour une information médicale indépendante (Formindep), mardi 29 janvier, à l’occasion de la parution de son nouveau classement en la matière.
Liens avec les laboratoires pharmaceutiques, enseignement de la déontologie aux étudiants, transparence des financements… La publication d’un premier classement, en janvier 2017, avait constitué un électrochoc, la plupart des facultés affichant des scores quasi nuls. Onze mois plus tard, une « charte éthique » de quatorze pages était adoptée par la Conférence des doyens des facultés de médecine et d’odontologie.
« Cette charte représente un grand pas, mais le chemin pour qu’elle soit pleinement appliquée est encore long », souligne Paul Scheffer, qui coordonne l’enquête au Formindep. L’édition 2018 vise donc, à travers dix-huit critères, à « mesurer la mise en place effective » de la charte. Un cours sur l’intégrité scientifique et les conflits d’intérêts est-il proposé aux étudiants ? Est-il obligatoire ou facultatif ? Les enseignants déclarent-ils leurs liens d’intérêts au début de chaque cours ? Des mesures sont-elles mises en place pour que les étudiants ne soient pas mis en situation de recevoir des cadeaux ou des repas ou qu’ils n’aient plus recours aux sociétés privées comme source de financement, par exemple pour l’impression de la thèse ?
« Piqûre de rappel »
En dépit des engagements, les résultats ne sont toujours pas bons. Dans la grille de 36 points distribués par le Formindep, seule la faculté de médecine de Tours obtient la moyenne, tandis que trois quarts des établissements ne passent pas la barre des 10 points. Cinq d’entre eux n’ont toutefois pas répondu au questionnaire. Au Formindep, on n’exclut pas que certaines facultés aient davantage adopté la charte « dans un but de gain d’image, et non de changement de pratiques et de mentalité ». Seule une faculté sur trois aurait mis en place une commission de déontologie, pourtant l’une des mesures clés. Et parmi celles mises en place, certaines n’auraient pas encore siégé une seule fois.
Aucune faculté en France ne propose par exemple un cours obligatoire sur ce sujet aux étudiants en troisième cycle.
Les syndicats étudiants qui ont contribué à l’enquête regrettent eux aussi cette timidité dans la mise en œuvre du texte. Aucune faculté en France ne propose par exemple un cours obligatoire sur ce sujet aux étudiants en troisième cycle, déplore-t-on à l’ISNAR-IMG, un syndicat d’internes en médecine générale. « Plus de 75 % de nos internes sont pourtant en demande d’une telle formation », assure Gabriel Perraud, le secrétaire général de l’organisation. « Le sujet est peu abordé dans les facs de médecine, la publication du classement du Formindep doit servir de piqûre de rappel », ajoute Luna Potiron, de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf).
A la Conférence des doyens, on fait cependant un tout autre constat. Pour Jean Sibilia, son président, également à la tête de la faculté de médecine de Strasbourg, la charte de novembre 2017, dont l’objectif est de « transformer la culture des enseignants-chercheurs et de transmettre ces valeurs aux étudiants », « sert désormais de base de travail à tous les niveaux ». « Il n’existe plus de zones de non-régulation majeures » dans les relations avec les industriels, assure le représentant des doyens, « même s’il reste des domaines, comme celui des matériaux et dispositifs médicaux, pour lesquels il faut progresser ».
Liens d’intérêts potentiels des enseignants
Les exemples d’avancées récentes en matière de prévention de conflits d’intérêts seraient selon eux nombreux. A Strasbourg, la mise à disposition de matériels utilisés pour former les étudiants par les industriels, qui autrefois se faisait en toute discrétion, est désormais effectuée « au regard des principes de déontologie et d’éthique », assure le doyen.
A Versailles-Saint-Quentin, depuis un an, toute demande de cumul d’activités d’un enseignant-chercheur passe devant une commission spéciale sur les conflits d’intérêts. Du côté des enseignements, la généralisation de supports de cours numériques permet de vérifier que les liens d’intérêts potentiels de chaque enseignant sont bien affichés systématiquement. « C’est un processus long mais la prise de conscience est réelle », juge Djillali Annane, doyen de l’UFR Santé.
Sur le terrain de la prévention des conflits d’intérêts, Pascal Roblot, le doyen de Poitiers, estime que l’université est « arrivée à un point d’équilibre à peu près correct ». Chez lui, des enseignements en éthique sont notamment proposés en première année commune aux études de santé (Paces) et en deuxième année de médecine. « Là où les difficultés demeurent, ce serait plutôt pour les stages des étudiants dans les services de certains hôpitaux ou chez les praticiens, dit-il. On a retiré ces dernières années des agréments à des terrains de stage, mais on ne peut pas inspecter partout. »
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