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mardi 29 janvier 2019

Du béton pour des malades mentaux

Par Eric Favereau — 
Le centre de soins à Metz-Queuleu (Moselle).
Le centre de soins à Metz-Queuleu (Moselle). Photo Luc Boegly. Richter Architectes


Visite au nouveau centre de soins psychiatriques de Metz qui vient de gagner l’équerre d’argent, sorte de Goncourt de l'architecture

Voilà de jolis murs en béton… Lors d’une visite organisée afin de voir (ou plutôt d’admirer) le nouveau centre de soins psychiatriques à Metz qui vient de gagner l’équerre d’argent – une distinction annuelle que l’on compare à un Goncourt de l’architecture – tous les spécialistes se sont montrés emballés par le lieu. Et par cette muraille, sorte d’enveloppe de béton, couleur verdâtre qui encercle tout le bâtiment. «Une coque, unitaire et protectrice se développe de manière presque organique, et embrasse patios et courettes, univers contrastés à l’échelle intime, repères structurants à l’abri des regards»,explique ainsi la brochure de presse. Diable…

Chrysalide

Du béton, donc, pour un «asile»… Comment éviter le paradoxe ? Lorsque l’on demande à Anne-Laure Better, l’un des trois architectes du cabinet Richter, ce qu’elle apprécie dans son bâtiment, elle vous répond joliment : «C’est confortable. Il y a un confort que l’on ressent.» Et on la croit volontiers. Le lieu est ainsi, chaleureux. Et ce n’était pas gagné d’avance. Car dans ce bout de terrain sans intérêt d’une zone commerciale à la sortie de Metz, le défi était réel : il fallait en effet réunir quatre structures du centre hospitalier spécialisé de Metz, comme le centre médico-psychologique pour enfants et le centre médico-psychologique pour adultes, les deux ne devant surtout pas communiquer ensemble. Au final, le bâtiment réalisé est sobre, brut, robuste, s’étendant sur plus de 2 000 mètres carrés de surface, pour un investissement de 8,5 millions d’euros.
Dessiné «pour apaiser et soulager les patients grâce à un agencement intérieur doux et clair», les architectes ont donc imaginé le bâtiment comme une chrysalide, «dans laquelle peuvent s’opérer des métamorphoses loin de l’agitation du monde». C’est ainsi que «des matériaux simples et patinés» ont été utilisés, tels que le bois, le béton et l’acier. Et toute la structure a été donc enveloppée dans une membrane de béton vieillie prématurément par l’artiste. «L’idée, avec le travail sur le béton que l’artiste Grégoire Hespel a effectué au Kärcher, était de donner le sentiment qu’il y a toute une histoire», raconte encore Anne-Laure Better. Derrière le bâtiment, on entrevoit, en effet, les restes d’un blockhaus allemand, une quatre voies, et devant, bien sûr, un parking. «Il fallait se protéger contre la laideur de l’extérieur, insiste Anne-Laure Better, mais aussi des regards. Et à l’intérieur, donner de la lumière et de l’intimité.»

Vue paisible

Ce jour de la visite, il n’y avait ni enfant, ni patient, «pour les protéger», nous disait-on. A-t-on demandé l’avis aux premiers intéressés sur ce qu’ils souhaitaient comme lieu de consultation ? Non. Mais soyons honnête, ce n’est pas franchement une surprise, l’habitude dans le monde de l’architecture hospitalière n’est pas de solliciter l’avis des premiers intéressés, et encore moins quand ils souffrent de problèmes de santé mentale, les décideurs supposant que ces derniers ne sont pas en état de leur donner. Qui sait ? Peut-être nos malades auraient-ils eu des idées, des souhaits ? Vont-ils, par exemple, percevoir cette magnifique coque, comme protectrice ? Ou encore, les patients avaient-ils besoin à ce point d’être isolés ? Silence. On n’en sait rien. «On dirait la guerre», a réagi un des premiers patients quand il est arrivé le premier jour… A l’intérieur néanmoins, on ne peut être que touché par l’élégance des finitions, l’absence de longs couloirs, la vue paisible sur ces petites cours intérieures, et ces aménagements pour enfants en détresse.
Voilà. Pour le reste, béton ou pas, là comme ailleurs les temps d’attente pour une consultation sont interminables : autour de deux mois et demi. «Vous imaginez quand votre enfant ne va pas bien», lâche Martine Gillard, présidente du conseil de surveillance du centre hospitalier de Jury, qui gère toute la psychiatrie du département. «Aujourd’hui l’urgence est de rénover maintenant l’hôpital du Jury,poursuit Martine Gillard. C’est un hôpital avec 260 lits, des chambres à trois. Il n’y a pas de douche régulière possible pour les patients, une fois par semaine au mieux.» C’est cela la psychiatrie publique à Metz, avec un nombre élevé de postes vacants et l’attrait du Luxembourg pour les professionnels de santé où ils sont beaucoup mieux payés.

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