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lundi 29 janvier 2018

L’Italie mise sur les auxiliaires de vie

Par Eric Jozsef, correspondant à Rome — 
En France, à la fin 2015, 728 000 personnes vivaient dans un établissement d’hébergement spécialisé.
En France, à la fin 2015, 728 000 personnes vivaient dans un établissement d’hébergement spécialisé. Photos Édouard Caupeil


Dans le pays où les maisons de retraite sont peu nombreuses, les «badanti» sont plus de 380 000 à s’occuper de personnes âgées.

Dans le système italien traditionnel, la fille ou la belle-fille s’occupe des vieux parents. Mais depuis que les Italiennes travaillent, les «badanti» («aide-soignantes») ont pris le relais. Souvent immigrées, provenant à plus de 60 % de Roumanie, d’Ukraine ou d’autres pays de l’ancienne Europe de l’Est selon la Fondation Leone Moressa - l’un des principaux centres d’études sur l’immigration de la péninsule -, les 380 000 badantis officielles remplacent des maisons de retraite quasi inexistantes. Un chiffre auquel il faudrait ajouter toutes les «irrégulières» qui travaillent sans être déclarées.

Natalia est polonaise. Elle a quitté sa ville natale, Cracovie en 2004, à 31 ans, laissant sur place une fille maintenant étudiante. Comme la plupart de ses consœurs, elle habite chez la dame dont elle s’occupe, à Rome. Et sa présence a sauvé sa cliente de 84 ans. «Je l’ai trouvée avec la bouche raide, elle ne parlait pas. J’ai immédiatement appelé les secours. Elle avait une hémorragie cérébrale», se remémore-t-elle. La femme chez qui Natalia travaille et vit a été sauvée à temps. L’auxiliaire de vie ne devra pas changer une nouvelle fois de maison comme cela lui est arrivé à plusieurs reprises depuis qu’elle a quitté son pays. «Parfois, c’est dur comme travail, admet-elle. Ce n’est pas facile de débarquer dans un domicile pour vivre avec une personne âgée.»
Solidarité.
En Italie, depuis une vingtaine d’années, les badantis forment l’ossature du dispositif de soutien aux personnes âgées. «Le système d’aide sociale est délégué aux familles», résume le chercheur à la Fondation Leone Moressa Enrico Di Pasquale. «De ce point de vue, il existe une spécificité italienne, souligne-t-il. Historiquement, les enfants restaient vivre dans la ville de leurs parents. Plutôt que de mettre les vieillards dans des maisons de retraite qui sont peu nombreuses, ils les gardaient avec eux.» Un peu partout, de la Lombardie à la Sicile, cette solidarité familiale demeure une réalité. Mais à partir de la fin des années 90, l’aide aux personnes âgées a été le plus souvent confié à ces femmes, généralement étrangères.

«Vu le peu de services de l’Etat pour les personnes âgées, ces immigrées représentent une offre de travail à bas coût providentielle pour les familles, dont certaines bénéficient d’une allocation d’environ 450 euros par mois mais qui ne suffit pas»,souligne la sociologue Chiara Saraceno. «En général, une badanti gagne 1 000 euros par mois», explique Laura, une Albanaise de 58 ans qui vit à Turin. «C’est peu pour être parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec la personne âgée, mais c’est nourri et logé. Généralement, on fait un peu tout, le ménage, les courses. Si cela se passe bien, on devient membre de la famille à part entière», ajoute cette femme, diplômée en droit dans son pays.
«Epaules».
Depuis 2013, un contrat national destiné aux badantis a été créé pour tenter de réglementer cette nouvelle activité. «Il faudrait plus de contrôles, note toutefois Chiara Saraceno, pour qui «le soutien aux personnes âgées en Italie repose encore beaucoup trop, en termes de dépenses et de temps, sur les épaules des familles».

Pour Enrico Di Pasquale, «il faudrait les aider davantage financièrement et pour leurs démarches administratives».Il estime néanmoins que «le système actuel fonctionne». Il coûterait près de 7 milliards d’euros par an aux familles. Mais les services de l’Etat ont calculé que si les 910 000 personnes assistées par des badantis ou des proches étaient placées dans des maisons de retraite, le coût pour la collectivité monterait à 17 milliards. Reste à savoir si le modèle est gérable à long terme. Aujourd’hui, les Italiens de plus de 75 ans représentent 11 % de la population. Ils seront un quart en 2050. Et dès 2030, il faudra un demi-million de badantis supplémentaires.

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