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lundi 29 janvier 2018

Les médecins manquent de repères face aux demandes d'escalade thérapeutique des parents

16/01/18 
Les lois successives sur la fin de vie ont renforcé les droits des patients pour éviter un acharnement thérapeutique contraire à leur volonté. Elles ont néanmoins omis de prendre en compte les cas où la famille demande plus de traitements, contre l'avis des médecins soucieux d'éviter l'escalade. Une situation très prégnante en pédiatrie.

La volonté des proches et des patients ne rencontre pas toujours celle de l'équipe médicale. Afin d'éviter un acharnement thérapeutique, les lois relatives à la fin de vie, consécutives à l'affaire Vincent Humbert (lire notre article), visent à protéger les droits et la volonté du patient. Un cas de figure n'a cependant pas été pris en compte par le législateur et revient régulièrement devant les tribunaux : les demandes de parents de poursuivre des traitements jugés inutiles par les médecins. "Nous assistons à une inversion. Avant, nous luttions contre l'acharnement thérapeutique. Maintenant, nous avons des parents qui demandent plus", résume Noël Garabedian, le président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), le 15 janvier à l'occasion d'une journée d'étude sur la fin de vie en réanimation à l'Hôpital européen Georges-Pompidou.

L'impasse des tribunaux

Si la question touche l'ensemble des patients — l'affaire Vincent Lambert est l'exemple le plus marquant —, elle est particulièrement sensible quand il s'agit de mineurs, avec un recours plus fréquent aux tribunaux. Le Conseil d'État s'est ainsi prononcé sur deux décisions d'arrêts des traitements et sur une demande d'introduction d'un nouveau traitement pour des enfants hospitalisés. L'examen du juge administratif s'appuie sur des éléments médicaux et non-médicaux, dont la volonté du patient, pour se décider au cas par cas. Il a ainsi ordonné de poursuivre les traitements dans le cadre de l'affaire Marwa et a validé l'arrêt dans l'affaire Inès. Frédérique Dreifuss-Netter, juge à la Cour de cassation, relève plusieurs éléments de jurisprudence dans ces décisions du Conseil d'État : "la décision est une décision médicale" et "l'accord des parents n'est pas une condition de la décision".


"Le recours au juge est légitime mais il est très limité dans son effet", souligne Marie Grosset, de la direction des affaires juridiques de l'AP-HP, rappelant qu'aucune décision d'arrêt des traitements prise contre l'avis des parents n'a été mise en œuvre. Le médecin en charge d'Inès à Nancy (Meurthe-et-Moselle) a fait part, lors de cette journée, d'un constat d'échec de la judiciarisation mais il continue de réfléchir sur la mise en œuvre de l'arrêt des traitements en évoquant une "lourde charge". La menace d'inculpation pour meurtre par les parents et les menaces de mort contre l'équipe soignante font partie des éléments qu'il doit prendre en compte dans sa décision.

Le passage devant un juge étant une impasse, les professionnels s'accordent sur la nécessité de maintenir le lien avec la famille des enfants hospitalisés. Sylvain Renolleau, chef de service de réanimation et surveillance continue médicochirurgicales à l'hôpital Necker-Enfants malades, insiste sur le rôle de la médiation. "Le médecin référent ne doit pas être là pour gérer les conflits, sinon cela nuit au message et à la relation", prévient-il. Il met l'accent sur la transparence avec les parents sur la limitation des traitements, en évoquant le cas d'un nouveau-né extrême prématuré, et sur le coût psychologique pour l'équipe soignante en raison, par exemple, d'insultes ou de jugements sur la qualité des soins.

Dilemme des professionnels de santé


Nicolas Foureur, du centre d'éthique clinique de l'AP-HP, relève trois facteurs-clés dans les situations qui ont conduit à la saisine du centre : un épisode médicale aiguë avec une possibilité technique ; une décision de vie ou de mort liée à l'état de l'enfant ; une situation conflictuelle ou violente avec des parents suspicieux. Il souligne également le dillemme des professionnels de santé qui cherchent à respecter l'interdit de l'obstination déraisonnable et l'avis des parents. Ces derniers reprochent régulièrement une communication froide à l'équipe soignante. Nicolas Foureur note par ailleurs une "majoration des capacités motrices et cognitives" des parents vis-à-vis de leur enfant.


Afin d'accompagner les professionnels et éviter que le désaccord tourne au vinaigre, la Société française de néonatologie a lancé un groupe de travail sur le sujet de l'intégration des parents et la prévention des conflits. Les conclusions ne sont pas encore définitives mais Laurence Caeymaex, pédiatre au CHI de Créteil (Essonne), esquisse les premières pistes. En premier lieu, elle insiste sur l'anticipation. "Il existe des situations avec un haut risque de se poser la question de l'arrêt des traitements. Une question à se poser rapidement", avance-t-elle. Elle insiste aussi sur la flexibilité et sur le fait de proposer aux parents un transfert vers une autre équipe. Elle met l'accent sur la formation des professionnels de santé, notamment sur la communication et sur la présentation d'une réorientation de soins. Enfin, l'absence de divergences au sein de l'équipe est un élément clé.
Jérôme Robillard

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