« Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d’antan ? »
(François Villon, Ballade des Dames du temps jadis)
Les psychiatres formés à l’époque du Certificat d’Études Spéciales de Psychiatrie (avant les règnes présents des ECN et du DSM) peuvent « perdre leur latin » devant l’évolution présente de la nosographie ! En particulier en ce qui concerne les liens (ou les absences de liens ?) entre les cases « autisme(s) » et « psychose(s). » Officiellement, les enfants dits « psychotiques » ont disparu des classifications internationales, « ils n’existent plus », mais ont été « purement et simplement retirés des DSM-IV et DSM-5. » Retenant l’attention du Pr Pierre Delion, enseignant à la faculté de médecine de Lille, ce thème intéresse aussi The British Journal of Psychiatry, par un autre aspect : la similitude ou la divergence entre les diagnostics de « psychose » et de « troubles autistiques. »
Pierre Delion rappelle l’importance historique et clinique du concept de psychose infantile (défendu notamment par le psychanalyste et pédopsychiatre Roger Misès[1]) et note que, dans la mesure où la psychose infantile a d’abord laissé la place aux « dysharmonies d’évolution » et autres « troubles envahissant du développement », eux-mêmes remplacés ensuite par les actuels « troubles du spectre autistique », il semble que tout se passe comme si cette entité nosographique, la psychose infantile, était devenue désormais « un parent pauvre de l’autisme, une sorte de reliquat venant entacher le bel édifice moderne construit pour ‘‘l’autisme-roi’’. » On peut approuver cette formule en lui substituant plutôt cette chute (empruntée à l’ouvrage de Michel Minard[2], sous-titré explicitement « la psychiatrie américaine et la fabrique des diagnostics ») : « construit pour le DSM-Roi. »
Des « occurrences associées » entre ces troubles autistiques et psychotiques
L’éditorialiste du British Journal of Psychiatry résume le débat en posant carrément la question : « autisme et schizophrénie représentent-ils un seul et même trouble, ou bien deux, voire plusieurs » affections distinctes ? Comme on constate concrètement des « occurrences associées » entre ces deux troubles (autistiques et psychotiques) « plus fréquentes qu’on pourrait l’attendre par le seul fait du hasard », mais que les raisons profondes de cette association demeurent « obscures », une meilleure compréhension de ce phénomène aurait certainement « d’importantes implications » pour la connaissance des mécanismes psychopathologiques, pour le diagnostic différentiel, et pour le traitement de ces deux problématiques, distinctes ou non.
Comportant notamment la signature de Simon Baron-Cohen[3] (connu pour avoir rattaché, dans une célèbre étude publiée avec la psychologue allemande Uta Frith, l’autisme à un retard du développement de la théorie de l’esprit[4]), l’étude britannique de Felicity V. Larson et coll. alimente ce débat et montre qu’il « peut exister un sous-type spécifique de trouble du spectre autistique lié à une comorbidité psychotique. » Selon les auteurs, cette étude confirme que « la psychose chez les personnes avec autisme est souvent atypique, en particulier relativement aux perturbations affectives. »
Mais nous laisserons la conclusion au Pr Delion pour qui la réhabilitation (nécessaire ?) du concept de psychose infantile « pourrait aider à nuancer le débat simplificateur actuel sur les troubles envahissants du développement et les troubles du spectre autistique. »
Dr Alain Cohen
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