La France : le pays des Droits de l’Homme ? Pas pour les prisonniers en tout cas, comme l’a souligné la Cour Européenne à plusieurs reprises, et en particulier lorsqu’ils sont adolescents, remarquait Adrien Pontorollo (Grenoble), attaché au centre pénitentiaire de Varces dans le département de l’Isère, une prison qui ‘abrite’ 330 détenus (soit 140 % de sa capacité) parmi lesquels 15 à 20 adolescents. Si l’incarcération représente la dernière option en cas d’infraction grave de la part d’un adolescent (ils sont 8 829 dans ce cas dans l’Union Européenne), la France se démarque cependant des autres pays européens par une augmentation régulière de ce nombre (769 adolescents emprisonnés actuellement), alors que la tendance générale est à la diminution drastique des emprisonnements des adolescents. De plus, ces adolescents n’ont parfois pas encore été condamnés et sont dès lors en détention préventive.
Seul privilège de l’adolescent: il n’a ‘théoriquement’ pas de contact avec les adultes, bénéficie d’une cellule individuelle munie d’une salle d’eau et d’une télévision et a des activités récréatives séparées. Il est également obligé de suivre un cursus scolaire, ce qui pose parfois de gros problèmes à certains adolescents qui étaient en complète rupture avant leur incarcération. La psychiatrie en prison dispose d’un ‘Livre blanc’ qui devrait assurer aux détenus l’équivalence des soins et le respect de l’éthique tant en screening des maladies psychiatriques qu’en prévention, en traitement et dans le suivi (tous aspects pour lesquels les détenus ont en principe le libre choix).
Par ailleurs, une enquête suédoise qui date de plus de 10 ans avait montré que 70 % au moins des adolescents emprisonnés rencontraient les critères d’au moins une maladie psychiatrique. Il s’agissait surtout de troubles de conduite (46,4 %), ou de toxicomanie (45,1 %, principalement le cannabis), voire de troubles oppositionnels (19,8 %) ou de TDAH (13,5 %). Tous les adolescents semblent par ailleurs consommer du cannabis, pas nécessairement de manière addictive.
Parallèlement, 12,0 % des adolescents présentent un syndrome dépressif majeur, 10,7 % un trouble anxieux de séparation, 9,6 % un syndrome de stress post-traumatique, et 1,35 % des troubles psychotiques. Il est malheureusement souvent difficile de diagnostiquer ces affections car elles sont de présentation atypique, vu l’âge, le stress et la présence de facteurs confondants (la toxicomanie). De plus, les adolescents ne sont parfois présents que très peu de temps, ce qui permet difficilement un diagnostic affiné ou de savoir si les symptômes étaient présents avant l’emprisonnement ou liés à celui-ci. Enfin, des comorbidités sont fréquemment rencontrées: personnalité borderline ou traits antisociaux ainsi que déviance culturelle par manque de repères.
Le suicide est une autre préoccupation majeure. Sa prévalence est en effet 7 fois plus fréquente en prison que chez les adultes. Il faut savoir par ailleurs que le taux de mortalité de ces tentatives est très élevé : 50 %, et que sur 100 décès annuels par suicide, il y en a un qui concerne un adolescent. Hors suicide, les automutilations et les grèves de la faim sont fréquemment utilisées par les adolescents comme seul moyen de s’en sortir ‘par le haut’… Dans ces conditions, de nouvelles mesures de prévention devraient être prises, notamment via les gardiens, pour leur permettre de détecter les facteurs de risque et développer une surveillance spécifique. De plus, et afin de réduire l’impact de l’environnement toxique de la prison, les enseignants, les éducateurs, les psychologues, infirmier(e)s sont également impliqués dans des programmes individuels et flexibles de prévention.
Quant au traitement lui-même, il passe par les techniques classiques de prise en charge cognitivo-comportementales, avec ou sans traitement médicamenteux adapté avec, pour principe, de laisser le choix au détenu après discussion en colloque singulier. Des activités sociales, culturelles et participatives sont également organisées. “Cependant, conclut Pontorollo, si des initiatives existent, si des progrès se dessinent, l’adolescent reste encore le parent pauvre d’un système qui ne permet par ailleurs que très peu aux individus de retrouver leurs repères.”.
Dr Dominique-Jean Bouilliez
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