C’est lumineux, ça fait des bulles ! C’est rouge ! C’est bleu ! C’est vert ! C’est Broadway ! »,hurlait, dans une planche de Reiser, une femme en plein orgasme. S’il avait été réel, ce personnage aurait pu enrichir une étude que vient de publier, le 27 juin, la revue Metaphor and Symbol. Anita Yen Chiang et Wen-yu Chiang, deux spécialistes de linguistique de l’université nationale de Taïwan, se sont intéressées à la manière dont, de par le vaste monde, les membres de l’espèce humaine conceptualisaient l’orgasme. Quels mots, quelles figures de style décrivaient la chose… et l’annonçaient dans le feu de l’action ? Selon les langues, à quelles sources lexicales puise-t-on les métaphores orgasmiques ? Y a-t-il, pour « le » dire, des expressions que l’on retrouve partout, une universalité sur le théâtre du plaisir, ou bien chaque culture a-t-elle son « Broadway » bien à elle ?
Afin de le savoir, les deux chercheuses ont passé plusieurs mois, dans une variante très chaste du sexe oral, à interviewer des dizaines d’hommes et de femmes afin de collecter les termes les plus communément utilisés dans leurs langues respectives. Au total, 27 d’entre elles, maîtrisées par 3,2 milliards de personnes – soit près de la moitié de l’humanité – ont été examinées. Pour un sujet aussi important que l’orgasme, 27 langues, ce n’est pas de trop.
Le mot « orgasme » et ses variantes orthographiques locales étaient présents dans 17 langues. Les auteurs notent que plusieurs vocables et expressions, comme climax en anglais (ou klimaks en indonésien) évoquent un point culminant. Les Coréens parlent de « pic sexuel » et les Chinois de « marée haute », ce qui traduirait le déferlement d’un certain nombre d’hormones et de fluides durant les ébats amoureux. Est également mentionnée la fameuse « petite mort » en français, qui pourrait être signe d’un « état modifié de conscience »chez un peuple internationalement réputé pour sa propension à la bagatelle.
Dans la manière d’annoncer à son partenaire que le plaisir est imminent, on voit parfois l’évocation d’un embrasement (nyt mä tulen en finnois, qui signifie « maintenant je suis le feu »), voire la réaffirmation de son existence avec un curieux « je serai » tchèque, une sorte de « je jouis donc je suis » que les auteurs n’hésitent pas à rapprocher du dubito ergo sum de Descartes…
Surtout, Anita Yen Chiang et Wen-yu Chiang se sont aperçues que l’orgasme était perçu, dans la plupart des langues, comme la fin d’un voyage, une arrivée à destination. En effet, le « je viens » est quasiment universel, même si l’on note que, pour le français, l’étude écrit « je venir » (on a beau savoir qu’on ne contrôle plus tout dans ces circonstances, de là à en perdre sa conjugaison, il y a une marge…). Comme les vacances approchent, et pour que cette chronique soit pour une fois utile, voici de quoi enrichir votre vocabulaire de futurs touristes, histoire que vous sachiez baragouiner autre chose que « bonjour », « c’est combien ? » et « je vous aime ». Donc, sous réserve que l’article ait bien retranscrit le mandarin, le norvégien, le thaï et le turc, « Je viens » se dit respectivement dans ces langues Wo yao chu-lai le, Jeg kommer, Gam-lang maa laew, Geliyorum.
Signalons, pour terminer, qu’en exergue de cette étude figure une citation tirée de l’Apocalypse où le Christ dit : « Voici, je viens bientôt », ce qui nous permet de relire le Nouveau Testament sous une tout autre perspective. A méditer pendant les vacances.
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