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mercredi 13 juillet 2016

La fonction publique hospitalière discriminerait à l'embauche les noms à consonance arabe

12/07/16 
Dans un rapport dévoilé ce 12 juillet, l'économiste Yannick L'Horty atteste l'existence dans la FPH d'actes discriminants dans l'accès à l'emploi selon l'origine et le lieu de résidence. L'organisation très décentralisée du recrutement semble la cause pour l'auteur, qui réclame un observatoire de l'égalité dans l'accès à l'emploi public.
"Au sein de l'emploi public, nous ne sommes pas en mesure de mettre en évidence l'existence de discriminations dans l'accès à la fonction publique d'État (FPE), aux seuils statistiques usuels. En revanchenous avons obtenu plusieurs preuves statistiques de l'existence d'une discrimination dans l'accès à l'emploi, selon l'origine et le lieu de résidence, pour la fonction publique hospitalière (FPH) et pour la fonction publique territoriale (FPT)." Tel est le constat dressé par Yannick L'Horty, économiste enseignant à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée, dans son rapport sur les discriminations dans l'accès à l'emploi public remis ce 12 juillet au Premier ministre Manuel Valls (à télécharger ci-dessous).

La barrière insuffisante du concours

Son travail, qui a notamment consisté ces derniers mois à réaliser des tests de discriminations (ou testings), l'atteste. Ceux-ci ont ciblé à deux reprises la FPH, d'une part afin d'étudier l'accès à l'information sur les opportunités d'emploi pour un infirmier diplômé d'État, d'autre part dans l'optique de mesurer l'accès à l'emploi pour quatre-vingt-onze offres d'emploi (aides-soignants, responsables administratifs et techniciens de maintenance) selon la consonance maghrébine du prénom et du nom du candidat et son lieu de résidence (dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou non). Deux constats s'imposent à la lecture des résultats : non, le recrutement par voie de concours n'est pas suffisant pour se prémunir contre tout biais discriminatoire même s'il le réduit relativement par rapport à un processus sans concours ; non, le secteur public ne fait pas toujours mieux que le privé en matière de prévention du risque discriminatoire. Sur ce dernier point, outre le fait qu'entre public et privé les résultats fluctuent, c'est dans les versants de la fonction publique où les modes de recrutement apparaissent "les plus déconcentrés" et donc très proches du privé, par conséquent dans la FPH et la FPT, que ce risque discriminatoire se révèle le plus prégnant. Enfin, s'agissant des réformes mises en œuvre ces dix dernières années dans la FPE, le bilan est mitigé. Mais si d'un côté tout ne semble pas parfait côté État, les tests négatifs relevés dans l'Hospitalière et la Territoriale, "où ces actions n'ont pas été déployées et où l'organisation très décentralisée du recrutement surexpose au risque discriminatoire", attestent tout de même de leur bien-fondé.

Des testings ponctuels et standardisés

Toujours est-il, comme le recommande Yannick L'Horty, qu'il serait bienvenu que la fonction publique se dote enfin dans sa globalité d'"un outil de suivi de l'égalité d'accès à l'emploi dans des domaines tels que la parité, la diversité, l'origine sociale, le lieu de résidence, l'âge et d'autres critères qui pourraient être définis". De là découleraient des rapports annuels, chiffrés, couvrant chaque entité publique partie prenante pour tous les nouveaux recrutements. Autre souhait, que la fonction publique se dote d'"un dispositif de suivi du risque discriminatoire [...] sur un rythme annuel et qui couvriraient toutes les entités publiques intéressées". Encore faut-il pour cela disposer au préalable d'"une technologie permettant l'observation des discriminations". Troisième outil recommandé par l'économiste : un outil de mesure et d'évaluation des effets des actions mises en œuvre en faveur de l'égalité. "Ces trois objectifs pourraient être réalisés pour un coût réduit, surtout au regard de la hauteurdes enjeux d'égalité", glisse l'intéressé. Mais pour les mettre en œuvre, ajoute-t-il, cela suppose plusieurs préalables : systématiser l'exploitation de la totalité des fichiers de gestion des recrutements par concours ; établir un document d'inscription unique pour tous les concours de la fonction publique ; centraliser et archiver de manière anonyme les bases de données de gestion des concours ; intégrer une mode d'observation même partiel des recrutements de contractuels ; effectuer ponctuellement des tests de discriminations sur une base standardisée.

Pour mener à bien ces missions, Yannick L'Horty insiste pour créer une entitéad hoc, en clair un observatoire de l'égalité dans l'accès à l'emploi public réunissant des chercheurs spécialisés dans les discriminations et des chargés d'études. Celui-ci serait externe à l'administration pour garantir son indépendance mais sous tutelle du ministère de la Fonction publique afin d'orienter son action. De quoi permettre aux pouvoirs publics de se doter d'un "véritable outil d'aide au pilotage qui manque aux politiques publiques d'égalité".

Annick Girardin s'engage sur une campagne annuelle de testing

À l'occasion de la remise du rapport rédigé par Yannick L'Horty, la ministre de la Fonction publique a annoncé son intention d'organiser une campagne annuelle de testing dans la fonction publique. Comme elle l'indique par communiqué, elle souhaite également mettre en place un dossier unique d'inscription aux concours, ainsi qu'un module de formation en ligne pour les managers s'agissant du recrutement et des biais de discriminations possibles. Enfin, l'obligation du suivi d'un module de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes devrait prochainement voir le jour.
Ces mesures complètent celles d'ores et déjà opérantes depuis dix ans et évoquées dans le rapport, ainsi que celles prévues dans la loi du 20 avril dernier relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : rapport biannuel sur la lutte contre les discrimination ; mention du principe de l'égal accès dans tous les avis de concours ; harmonisation des conditions d'accès au troisième concours ; présidence alternée homme-femme des jurys ; création d'un nouveau contrat de droit public en alternance ciblant les habitants des quartiers prioritaires, des zones de revitalisation rurale et d'outre-mer...

Thomas Quéguiner
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