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jeudi 16 décembre 2021

Mort de Maryse Wolinski, romancière et journaliste libre et engagée

Par 

Rédactrice pour plusieurs titres de presse, autrice à succès, elle avait rédigé, en 2016, un récit poignant de l’attentat contre « Charlie Hebdo », où son mari, Georges, avait trouvé la mort.

Maryse Wolinski, le 13 juin 2015.

Née à Alger sous le nom de Bachère, le 3 mai 1943, Maryse Wolinski était issue d’une famille catholique et conservatrice : « Plutôt “Valeurs actuelles” que “Le Monde” », disait-elle volontiers. Elle est morte à Paris, jeudi 9 décembre, des suites d’un cancer du poumon.

Féministe engagée auprès de Gisèle Halimi, journaliste (Sud-OuestLe Journal du dimanche, Elle…), romancière, dramaturge, scénariste – elle aura occupé une place particulière dans le champ littéraire et médiatique français, en étant à la fois une intellectuelle franc-maçonne – vénérable maîtresse de la grande loge féminine de France (depuis 2004) –, une femme séduisante, courageuse, sans préjugés et d’une rare élégance ; en bref, une écrivaine à succès, capable de fréquenter des milieux très divers qui jamais ne se rencontrent et parfois se détestent.

Dans ses livres d’une écriture fluide – romans, biographie, essais, portraits – elle aura abordé, avec le plus grand sérieux et sans la moindre complaisance, tous les sujets dits « de société » : beauté des corps, santé psychique, arts du maquillage, manière de manger et de se vêtir, âges de la vie, et, toujours, la petite et la grande histoire des couples : que se passe-t-il entre les hommes et les femmes, comment être heureux en demeurant libres, comment s’engager dans des combats émancipateurs ? En 2014, elle consacrera un ouvrage à Edith Stein (La Passion d’Edith S., Seuil), philosophe juive, élève d’Edmund Husserl, devenue carmélite sous le nom de sœur Thérèse-Bénédicte de La Croix, assassinée à Auschwitz en 1942.

Muse

C’est à l’âge de 20 ans qu’elle rencontre Georges Wolinski, dessinateur de génie, de 14 ans son aîné, déjà célèbre et qui sera l’homme de toute une vie. Une vraie révolution, selon elle : Juif, athée, gauchiste, compagnon de route du Parti communiste français, mélancolique, hanté par les morts violentes, habitué des soirées arrosées et séducteur de femmes, souvent qualifié de « macho » par des militantes fanatiques. Père de deux filles, il a perdu sa femme dans un accident de la route. Il est libre et follement amoureux. Elle l’épousera en 1971 et lui donnera une troisième fille. Il fera d’elle sa muse au point d’en être troublé dans la plupart de ses dessins : « Cette angoisse devant les femmes et leur mystère, je n’ai jamais pu m’en débarrasser, même après t’avoir rencontrée. »

Elle raconte la disgrâce d’être née femme dans une famille qui privilégie les hommes

C’est grâce à l’éditrice Françoise Verny qu’elle connaît à son tour le succès, en 1988, avec la parution chez Flammarion d’un roman autobiographique, Au diable Vauvert, où elle raconte la disgrâce d’être née femme dans une famille qui privilégie les hommes. Elle enchaîne alors les publications. En 2008, sur l’intervention de son ami Olivier Bétourné, elle entre aux Editions du Seuil. Il la rejoindra en 2010 en prenant la direction de la maison et en faisant venir également Georges.

Après l’assassinat, le 7 janvier 2015, de toute l’équipe de Charlie Hebdoelle rédigera un splendide récit de cette tragédie (Chérie, je vais à Charlie, Seuil, 2016), refusant les injonctions des experts psychiatres qui lui conseillaient de « faire son deuil ». En 2018, elle fera éditer Les Falaises (Seuil), suite de dessins de Georges sur la tentation du suicide. Elle ne cessera ensuite de s’occuper de l’œuvre de l’homme aimé tout en favorisant la création d’une « maison européenne du dessin de presse » : son dernier combat. Elle soutiendra vaillamment les initiatives sur la liberté de caricaturer.

Se référant au célèbre récit de Fritz Zorn (Mars, Gallimard, 1979)elle vivra l’apparition de son cancer comme la conséquence de cette immonde pulsion de mort qui avait frappé en 2015 l’essence même de la liberté d’expression. Mais elle se souvenait d’abord et comme toujours de la beauté de la vie : « Je m’invente guerrière ivre de paix et de vie » (Au risque de la vie, Seuil, 2020).

Maryse Wolinski en quelques dates

3 mai 1943 Naissance à Alger

1971 Mariage avec Georges Wolinski

1988 Publication d’Au diable Vauvert

2016 Publication de Chérie, je vais à Charlie 

2020 Publication d’Au risque de la vie 

9 décembre 2021 Mort à Paris


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