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mercredi 29 septembre 2021

Santé mentale des adolescents : Instagram mis en difficulté par les sénateurs américains

Par    Publié le 30 octobre 2021

Une haute responsable de Facebook était entendue par les sénateurs américains après une série de révélations du « Wall Street Journal » montrant que l’entreprise avait conscience des impacts négatifs de ses services sur les adolescents.

La responsable de la sécurité de Facebook, Antigone Davis, a fait face à un déluge de critiques et de reproches, ce 30 septembre, lors de son audition devant la commission du commerce du Sénat américain. Mme Davis avait été convoquée pour répondre aux questions des élus sur l’impact d’Instagram, propriété de Facebook, sur la santé mentale des adolescents.

A la mi-septembre, le Wall Street Journal a publié une série d’articles se basant sur les résultats d’études internes menées par Facebook et qui montrait, selon le quotidien américain, que l’entreprise avait pleinement conscience des impacts négatifs que causaient ses services dans des domaines allant de la santé mentale à la polarisation politique, mais qu’elle avait tardé à agir, principalement de peur de faire baisser ses statistiques d’utilisation.

L’un des volets de cette série était spécifiquement consacré à Instagram, et aux effets négatifs que l’application pouvait avoir sur une partie des adolescents, et plus particulièrement des adolescentes : problèmes d’image de soi, de sommeil ou troubles de l’alimentation.

Depuis cette publication, qui recoupait assez largement les conclusions d’études indépendantes, Facebook et Intagram ont multiplié les annonces pour, à la fois, minimiser ou contredire les affirmations du quotidien américain, et pour donner des gages aux régulateurs. La firme a ainsi annoncé, lundi 27 septembre, qu’elle renonçait finalement à son projet controversé de créer une version d’Instagram pour les moins de 13 ans ; elle a également affirmé que les études consultées par le Wall Street Journal n’étaient pas définitives, ni suffisamment larges, avant, finalement, de rendre publiques mercredi deux présentations décrivant ces études, assorties de commentaires pour « contextualiser » leurs résultats.

Face aux sénateurs, Mme Davis a été mise en difficulté à de multiples reprises. Face à des questions très précises, notamment de la part du sénateur démocrate Richard Blumenthal, qui milite depuis des années pour un encadrement plus fort des grandes entreprises de la Silicon Valley, la représentante de Facebook s’est largement contentée de répéter les messages déjà publiés par Facebook, et a répondu de manière très floue à la quasi-totalité des questions.

Le Wall Street Journal avait, de son côté, publié le matin même six documents, dont les deux présentations rendues publiques par Facebook, à l’appui de ses révélations. L’ensemble donne de nombreux détails supplémentaires sur les conclusions auxquelles sont parvenus les chercheurs travaillant pour le réseau social. Si ces derniers mettent en avant – comme le défend Facebook depuis les premières révélations du quotidien américain – le fait que la majorité des utilisateurs ont une expérience positive sur Instagram, ils montrent aussi que le réseau social encourage, encore plus que ses concurrents, les comparaisons sociales sur le physique, la popularité ou l’argent, qui ont un impact très négatif pour une partie des adolescents.

La visibilité des « likes » comme facteur aggravant

Les documents montrent que les chercheurs travaillant pour Facebook ont pris le problème au sérieux et identifié plusieurs éléments sur lesquels le réseau social pouvait agir pour améliorer la situation : ils identifient notamment les filtres d’embellissement ou encore la visibilité des « likes » comme deux facteurs aggravants.

La France est le pays où les comparaisons sociales semblent les moins vécues négativement par les hommes

Les présentations révèlent également que, d’un pays à l’autre, la situation peut fortement changer : par exemple, parmi cinq pays analysés, la France est celui où les comparaisons sociales semblent les moins vécues négativement par les hommes, tandis que les utilisatrices et utilisateurs mexicains semblent accorder moins d’importance aux comparaisons physiques que dans d’autres pays. Les documents montrent également que l’expérimentation conduite par Instagram, consistant à masquer le nombre de « likes » sur un post, a eu un effet mesurable, bien que relativement faible.

Les sénateurs américains ont demandé à plusieurs reprises à Mme Davis de préciser quelles autres études sur le sujet avaient été menées, si elles seraient rendues publiques, et à quel point les principaux dirigeants de l’entreprise les avaient consultées. La responsable de la sécurité de Facebook a répondu de manière évasive à ces questions, tout en tentant de diminuer la portée de ces études. « Ces documents ne sont pas de grandes révélations », a-t-elle tenté de dire, avant d’être interrompue par le sénateur Richard Blumenthal. « Vous me permettrez d’être en désaccord. Ces études sont une gigantesque révélation, elles sont fascinantes. »

Les études de Facebook mettent par ailleurs en avant le fait que les messages publiés par des stars constituent un élément-clé de l’expérience des utilisateurs. « Près de la moitié des contenus vus par les utilisateurs sur Instagram viennent de célébrités (les comptes qui font partie du trop 0,1 % en nombre d’abonnés) », écrivent les chercheurs. Or, « la présence d’un plus grand nombre de contenus publiés dans le fil provenant de célébrités est corrélée avec davantage de comparaisons négatives et moins de comparaisons positives », écrivent-ils.

Un autre document publié par le Wall Street Journal suggère d’établir des partenariats avec des célébrités identifiées comme engendrant davantage de comparaisons négatives – la liste d’exemples comporte essentiellement des stars appréciées des adolescents et adolescentes américains, comme Billie Eilish, Ariana Grande ou Selena Gomez – afin de les pousser à infléchir leur façon de poster sur le réseau social.

Projet de loi à venir

Les questions ne font, vraisemblablement, que commencer pour les hauts responsables d’Instagram et de Facebook. Un lanceur d’alerte a remis au sénateur Blumenthal d’autres documents internes à Facebook, de « plusieurs milliers de pages au total », a-t-il expliqué durant l’audition. Cette source anonyme doit à son tour être auditionnée au Sénat mardi 5 octobre, et sera l’invité de l’émission à succès 60 Minutes le 3 octobre.

Les révélations du Wall Street Journal semblent par ailleurs avoir réussi un tour de force : mettre au diapason les républicains et les démocrates du Sénat. Les deux camps jouent d’ordinaire des partitions très différentes lors de ces auditions, les républicains accusant Facebook de les « censurer », et les démocrates attaquant le réseau social sur ses manquements en matière de modération. A de rares exceptions près, cette fois, les élus des deux camps ont fait preuve d’une grande similarité dans leurs critiques et leurs questions, et prévoient d’introduire une nouvelle proposition de loi, bipartisane, pour renforcer les protections légales des utilisateurs mineurs de réseaux sociaux.


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