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mercredi 29 septembre 2021

Crack à Paris : Pantin et Aubervilliers contre le «mur de la honte»

par Benjamin Delille et photo Denis Allard   publié le 29 septembre 2021

Ce mercredi, plusieurs centaines d’habitants de Pantin ont rejoint ceux d’Aubervilliers pour dénoncer la cloison de parpaings bloquant l’accès au square de la Porte de la Villette et exiger une prise en charge des toxicomanes par l’Etat.

II est partout, Darmanin. Tagué sur le mur ou brandi sur les pancartes des habitants de Pantin encore sous le choc de cette cloison de parpaings qui leur ferme la Porte de Paris. Elle a été construite vendredi, sur commande du ministre de l’Intérieur et à la surprise générale, pour empêcher les consommateurs de crack de venir dans le quartier des Quatre-Chemins, aux prises avec des problèmes sociaux et la pauvreté. «On était déjà effarés qu’ils déplacent ces gens des Jardins d’Eole jusqu’au square de la Porte de la Villette, mais alors le mur, c’est le pompon», s’indigne une riveraine. Comme elle, ils sont plusieurs centaines à être venus manifester ce mercredi soir à l’appel du collectif Anti-crack 93.

«Ce mur a deux symboles, analyse Rafaël, qui habite à cent mètres. D’abord, c’est l’échec du traitement de ces personnes qu’on n’aide pas à sortir de leur addiction, de cette merde qui les tue à petit feu. Ensuite, c’est l’entassement des problèmes vers la banlieue, dans des endroits qui ont déjà suffisamment de soucis à régler.» Au micro, une représentante du collectif SOS Quatre-Chemins décrit un quartier «difficile mais magnifique», peuplé de «belles personnes qui travaillent et se battent pour une vie meilleure». Quand ils ont entendu Gérald Darmanin dire que le square n’était pas dans une zone d’habitation, les riverains disent avoir reçu «un coup de poing au visage».

«Il faut arrêter de les déplacer»

«Il faut arrêter de les déplacer et ouvrir des centres de santé», plaide Jean-Luc, un autre habitant de Pantin, au sujet des toxicomanes.«Si c’est ça la réponse des pouvoirs publics, c’est bien triste», ajoute-t-il en montrant le mur. «Le mur de la honte», a tagué Pascal, un riverain verbalisé par la police : il comparaîtra le 20 octobre pour «dégradation de bien public». «Je regrette pas, assume-t-il. Fallait bien le nommer pour ce qu’il est.» Il passait sous le tunnel pour promener son chien et aller chercher un repas de temps à autre aux Restos du cœur. «Ce qui serait drôle, c’est qu’ils me filent des TIG [travaux d’intérêt généraux, ndlr] pour le repeindre.»

Au tour de Bertrand Kern, le maire socialiste de Pantin, de prendre le micro pour saluer la mobilisation. Il veut aussi répondre à Gérald Darmanin, qui a annoncé la tenue d’une réunion avec tous les élus jeudi. «Quelqu’un sait où c’est ? Ni mon homologue d’Aubervilliers ni moi n’avons reçu d’invitation.» Il en profite pour rappeler que la mise à l’abri des consommateurs de crack est censée être une compétence exclusive de l’Etat.

«Ça fait mal au cœur»

Le cortège se met en marche derrière une banderole : «Soignez-les, protégez-nous.» Les habitants de Pantin rejoignent ceux d’Aubervilliers à la Porte de la Villette. Abdelkarim est ému de voir autant de monde : «Nos enfants sont en danger et les drogués aussi. Quand on passe en voiture le matin, ils ont même plus de pantalons, ils font caca sur le trottoir, ça fait mal au cœur.» Tous s’accordent sur la nécessité d’aider ces consommateurs qui semblent chaque soir plus nombreux.

Ce mercredi matin, la mairie de Paris et la préfecture de police ont lancé une opération conjointe pour «nettoyer» le square de la Porte de la Villette. L’objectif était de démonter les habitations de fortunes construites au bord de l’entrée, sur le périphérique, pour empêcher la mise en place d’une nouvelle «colline du crack». Une manière aussi, à court terme, d’éviter tout départ de feu ou de possibles violences sexuelles, selon un officiel rencontré sur place. Mais quelques heures après, les habitations de fortune sont déjà de retour, les occupants plus nombreux.

«Arrêtez de croire leurs bobards !» Porte de la Villette, le ton monte alors qu’un groupe d’habitants s’agace des «beaux discours des élus». Les porte-parole essaient de calmer le jeu, de rappeler qu’il faut rester uni, mais rien n’y fait, il n’existe plus de formule magique pour calmer la colère de certains. «Vous êtes comme Darmanin, ni plus ni moins !» leur lancent des manifestants.Rendez-vous est donné tous les mercredis pour de nouveaux rassemblements.


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