Certaines aveugles de naissance expliquent que leurs sens, dont l'odorat et le goût, sont davantage stimulés lorsqu'ils rêvent. | Taras Chernus via Unsplash
Lorsque nous sommes plongés dans un rêve, des pièces de théâtre nocturnes s'agitent dans notre cerveau. Les images défilent sans s'arrêter, des plus farfelues aux plus réalistes. Un film se déroule inexorablement, tandis que nos lourdes paupières sont, quant à elles, bel et bien fermées.
Paradoxalement, rêver reste très graphique, imagé, quasiment visuel. On songe à ce que l'on a vu ou vécu dans le passé. Le tout mélangé à des éléments extraordinaires, aidés par notre inconscient et notre imagination. Il n'y a par exemple rien d'étonnant à croiser dans un songe une personne que l'on vient tout juste de rencontrer dans la journée, à cheval sur un béluga de 10 mètres de haut, en pleine rue de San Francisco. Les rêves n'ont aucune limite.
Une question se pose alors: que voient les aveugles dans leurs rêves? De quoi sont faits les songes de ceux qui n'ont jamais perçu le monde extérieur? Se déroulent-ils dans la pénombre totale, ou bien le cerveau est-il capable de créer des représentations? Et qu'en est-il de ceux qui sont devenus aveugles au cours de leur vie?
«Je rêve comme je vois»
Toutes ces questions, Thierry Jammes, vice-président de la Fédération des aveugles et amblyopes de France, ne se les était jamais vraiment posées. Entièrement aveugle depuis sa naissance ou presque, il décrit ses songes comme des successions de formes abstraites.
«C'est purement de l'imaginaire qui sort de mon cerveau. C'est comme du Picasso, on est vraiment dans l'abstrait», explique-t-il. Dans son sommeil, il ne rêve ni en couleur, ni en noir et blanc. «En fait, c'est comme une image de synthèse, une image virtuelle», précise-t-il.
Pour mieux comprendre, il faut se mettre à la place d'une personne atteinte de cécité. Chez Thierry, la perception des choses au quotidien prend le dessus sur la vision. Il ne voit pas les espaces, mais les ressent. «Quand je rentre dans une pièce, je peux percevoir où est la porte d'entrée, où est l'armoire, tout ça notamment grâce à leur son. C'est ce que l'on appelle l'éco-visualisation. Mais ce n'est pas une vision, c'est une perception. Je ressens les choses physiquement parlant. C'est ma visualisation à moi.»
Cette perception se retrouve également dans ses songes. «Mes rêves sont en fait un mélange entre la forme que je visualise et la perception que je ressens de cette forme. Ce mélange crée une sorte d'image.»
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