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lundi 7 juin 2021

«PMA pour toutes» : petit texte pour grande avancée

par Johanna Luyssen  publié le 6 juin 2021

Discutée à nouveau à partir de ce lundi à l’Assemblée après de nombreux débats, l’ouverture timide de l’assistance médicale à la procréation marquerait la fin d’un parcours d’obstacles pour les femmes célibataires et lesbiennes.

Y aura-t-il des bébés nés de «PMA pour toutes» avant la fin du quinquennat ? Alors que le projet de loi ouvrant les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) aux femmes célibataires et aux lesbiennes repasse dès lundi en nouvelle lecture à l’Assemblée – après quatre ans de rebondissements divers –, le gouvernement s’emploie à le faire croire. «Le premier bébé né par PMA d’un couple de femmes ou d’une femme seule naîtra avant la fin du mandat, c’est possible», assurait le ministre de la Santé, Olivier Véran, auprès des étudiants de Sciences-Po en mai. Plus prudente, la ministre chargée de l’Egalité, Elisabeth Moreno, disait à Libération fin mai espérer que la loi soit adoptée définitivement«d’ici le mois d’août» et que les femmes qui attendent «pourront, ainsi, avoir accès à la PMA».

Car qui peut croire que la chose est possible avant mai 2022 alors qu’après le vote de la loi, il faut en attendre les décrets d’application, et qu’ensuite, un parcours de PMA dure au moins plusieurs mois sans compter le temps de la grossesse ? «Cela montre que les hommes ont encore beaucoup à apprendre de l’appareil reproductif féminin, même s’ils ont les meilleures intentions du monde, ironise la présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée Coralie Dubost, rapporteure des articles 3 et 4 sur la filiation. On pourra peut-être voir une AMP démarrer avant la fin de ce quinquennat, mais un bébé, ce n’est pas garanti.»

Accouchement au forceps

Reste que cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron, grande réforme sociétale de son quinquennat, sera sans doute adoptée à l’été après un passage au Sénat fin juin. Mais ce sera un accouchement aux forceps. On ne compte plus les crispations politiques autour du sujet, avec dernièrement une tribune, publiée le 31 mai dans la Croix et signée par plus de 80 parlementaires LR, appelant le gouvernement à retirer le texte de l’ordre du jour, pour le repousser à… 2022.

Depuis quatre ans, combien de lectures, combien d’amendements, combien de reports ? Avec, en février, un retour à la case départ, le Sénat et l’Assemblée réunis en commission mixte paritaire n’étant pas parvenus à s’entendre. Résultat, le texte modifié en commission depuis le 1er juin, et examiné à partir de lundi en séance publique est l’équivalent de celui étudié en deuxième lecture en juillet 2020.«Tous les politiques ont une tendance à être plus lents sur le cheminement des lois sociétales. Ici, on a bien trois ans de retard. Je n’incrimine personne, il y a eu les gilets jaunes ou la crise sanitaire. Mais curieusement, les lois sociétales sont souvent les seules à payer le prix de ces difficultés», estime le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur de l’article 1 sur la «PMA pour toutes».

Manque d’ambition

Ceci dit, ce dernier se réjouit de l’adoption prochaine de cette loi, dont beaucoup, à commencer par les associations, critiquent pourtant le manque d’ambition. «Quand il a été question du texte, je pensais qu’on aurait une version plus libérale», concède Coralie Dubost, évoquant entre autres la question de l’AMP pour les personnes transgenres. Cela dit, rassure Jean-Louis Touraine, «il y a des choses qui ne sont pas traitées dans cette loi et qui devront l’être, des choses qui naturellement vont s’imposer». Par exemple, la PMA dite «post mortem», en réalité de «volonté survivante», consistant à permettre l’insémination ou l’implantation d’un embryon à une femme engagée avec son conjoint dans une démarche d’assistance médicale à la procréation, après la mort de ce dernier. «Si l’on donne droit à une femme seule de faire une PMA, pourquoi pas une veuve ?» interroge le député.

Il en va de même, estime-t-il, pour la méthode Ropa (pour «réception des ovocytes de la partenaire», ce qui consiste à ce que, dans un couple de lesbiennes, la femme qui ne porte pas l’enfant puisse donner ses propres ovocytes, partageant ainsi la maternité avec la mère gestatrice). «L’agence de biomédecine dit tout de même qu’il faut privilégier les gamètes parentaux : cette idéologie ne pourra donc pas tenir face à la demande sociétale.» Enfin, la question de l’accès à la PMA pour les personnes trans, qui devrait encore être écartée du texte. «Tout récemment, Olivier Véran a dit dans un tweet vouloir la PMA pour tout le monde, et lorsque je lui ai posé la question sur les personnes trans, il m’a dit vouloir rester à la version antérieure du projet de loi, en ne les incluant pas. Mais il n’y a pas une personne sensée qui vous dit que ça restera ainsi : les trans auront accès à la PMA», prédit Jean-Louis Touraine.

Coralie Dubost, elle, pointe une «hypocrisie légale», arguant que puisque les personnes trans peuvent changer d’état civil depuis 2016, il est curieux de leur interdire de se reproduire. «J’ai trouvé l’hémicycle plus conservateur que la société», ajoute-t-elle, estimant que les mentalités ont désormais «passé un cap». Même constat chez Jean-Louis Touraine : «Les Français sont plus en avance que leurs responsables politiques. Et puis, on ne peut pas tout interdire au nom d’une idéologie venue, disons, d’horizons célestes.»


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